Attentat ETA : l'attentat de Madrid rompt neuf mois de paixNeuf mois de "cessez-le feu permanent" ont pris fin en Espagne, samedi 30 décembre 2006, à 9 heures du matin, lorsque l'ETA a revendiqué la mise à feu d'une fourgonnette remplie de plusieurs centaines de kilos (entre 500 et 800 kg, selon un responsable du gouvernement régional) d'explosifs et garée au deuxième étage du parking D du nouveau terminal de l'aéroport de Madrid-Barajas. La Renault Traffic avait été volée trois jours plus tôt à un Espagnol en vacances dans les Pyrénées françaises, et qui, selon son récit, a été séquestré par un commando de l'organisation jusque après l'attentat afin qu'il ne puisse déclarer le vol. Le bâtiment de cinq étages s'est presque complètement effondré sous l'effet de l'explosion.Deux Equatoriens qui dormaient dans leurs véhicules garés dans cette zone de stationnement, en attendant d'accueillir des proches à leur descente d'avion, étaient toujours portés disparus lundi matin 1er janvier. S'il se confirmait qu'ils ont perdu la vie dans l'attentat, ils seraient les premières victimes de l'ETA à trouver la mort depuis mai 2003. Dix-neuf autres personnes ont été légèrement blessées. Trois appels téléphoniques passés à 7 h 55, 8 heures et 8 h 30 avaient prévenu les forces de l'ordre de l'imminence de l'explosion. La police et la Guardia Civil n'ont eu que le temps de faire évacuer les abords.Neuf heures après l'attentat, José Luis Rodriguez Zapatero, interrompant des vacances, a "donné pour consigne de suspendre" le dialogue avec l'organisation indépendantiste, officiellement ouvert depuis le 29 juin 2006. Le président du gouvernement espagnol a évité de dire que ce qu'il est convenu d'appeler le "processus", commencé le 22 mars 2006 lors de l'annonce du "cessez-le feu permanent", est rompu. Cependant, il semble bien difficile aujourd'hui d'envisager qu'il reprenne à brève échéance. Tant que l'ETA ne démontre pas "une volonté sans équivoque de renoncer à la violence, il n'y aura pas de dialogue", a reconnu le chef de l'exécutif.Le retour de l'ETA aux attentats est un coup très rude pour l'opinion espagnole. Même échaudée par l'échec de précédentes négociations, elle avait fini par accorder un certain crédit à ceux qui jugeaient politiquement difficile, pour l'ETA, de revenir aux attentats meurtriers après les attaques islamistes du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, et du 11 mars 2004, à Madrid. Les enquêtes conduites au Pays basque prouvent que, depuis plusieurs années maintenant, même parmi les personnes qui se reconnaissent dans le nationalisme radical, il se trouve une majorité pour rejeter le recours à la violence politique.CRITIQUES DE L'OPPOSITIONL'attentat de Barajas a aussi pris le gouvernement espagnol totalement au dépourvu. Depuis août, il était évident que le processus n'avançait pas comme l'espérait M. Zapatero. La première réunion entre l'ETA et les émissaires du gouvernement, qui devait avoir lieu à l'été, a été sans cesse repoussée. Les violences de rue avaient repris en août pour ne pas cesser depuis, et le racket des chefs d'entreprises basques et navarrais par l'organisation clandestine semble avoir persisté. En octobre 2006, un commando de l'ETA s'était emparé de 350 armes de poing en France, près de Nîmes, et, la nuit de Noël, une cache remplie de quoi fabriquer des explosifs avait été découverte au Pays basque. Le gouvernement, qui avait posé comme condition au dialogue l'arrêt de toute violence, était contraint à des acrobaties de langage pour esquiver ces accrocs, tandis que les représentants de la coalition - interdite - Batasuna, le bras politique de l'ETA, et l'ETA elle-même à travers des communiqués, faisaient savoir avec des mots de plus en plus alarmistes que le processus se trouvait "en crise" ou "dans l'impasse", voire "sur le point de sombrer". Samedi, le porte-parole de Batasuna, Arnaldo Otegi, n'a pas condamné l'attentat et a déclaré que, selon lui, il ne "rompt pas" le processus.En dépit de ces signaux d'alerte, et peut-être à la suite d'une réunion de ses représentants avec l'ETA, en décembre, M. Zapatero avait cru pouvoir affirmer, la veille de l'attentat, lors d'une conférence de presse de fin d'année, en relation avec l'ETA : "Aujourd'hui, la situation est meilleure qu'il y a un an. Et dans un an elle sera meilleure qu'aujourd'hui." Samedi soir, il a dû convenir qu'"aujourd'hui, (la situation) est pire qu'hier. Bien pire." Or M. Zapatero avait fait de la fin du terrorisme une priorité centrale de la législature. La droite, qui n'a cessé de critiquer son action sur ce terrain, l'accusant de faiblesse face à l'ETA, trouve dans cet attentat de quoi nourrir ses critiques. Dimanche, le chef du Parti populaire, Mariano Rajoy, lui a demandé non de "suspendre" mais de "rompre" son dialogue avec l'ETA et de lui "livrer bataille". Réunis à la Puerta del Sol, à Madrid, par l'Association des victimes du terrorisme, des milliers de manifestants ont scandé : "Zapatero dehors". D'autres défilés ont eu lieu à Bilbao sous des banderoles "ETA, jamais" et "ETA, pas question".
