Manifestation ESPAGNE La loi autorisant les unions gay doit être adoptée par le Parlement à la fin du mois Manifestation massive à Madrid contre le mariage homosexuel Plus de 160 000 personnes ont défilé samedi à Madrid contre le mariage homosexuel, brandissant des pancartes, «La famille = un homme et une femme» ou «Zapatero, je suis un bébé, pas un cobaye». (Photo Susana Vera/Reuters.) Depuis les années 80, jamais une loi pour les «libertés civiles» n'avait suscité une telle opposition en Espagne. Sous un soleil de plomb, ils étaient 166 000 personnes selon la police et 1,5 million selon les organisateurs à défiler samedi à Madrid dans une ambiance festive contre la loi autorisant le mariage homosexuel. Convoquée par le Forum espagnol de la famille (FEF), cette manifestation aux allures de grande kermesse de fin d'année a d'abord surpris par l'engouement qu'elle a suscité. Le centre de la capitale débordait de familles avec enfants portant des ballons multicolores. Mais c'est surtout la présence d'évêques - une vingtaine se sont déplacés à Madrid sur les 78 évêques espagnols- revêtus de leur traditionnelle soutane, qui a donné à cette marche un caractère exceptionnel. Le clergé espagnol n'était pas descendu dans la rue pour s'opposer à une loi gouvernementale depuis la fin des années 80, lorsque l'exécutif du socialiste Felipe Gonzalez avait approuvé les lois sur le divorce et l'avortement. L'évêque de Grenade a spécialement affrété pour l'occasion vingt-deux autobus. Au coeur du cortège clérical figurait le très conservateur cardinal archevêque et ex-président de la Conférence épiscopale, Mgr Antonio Maria Rouco Varela, alors que l'actuel président, le Basque Ricardo Blasquez, s'est abstenu de venir. Parmi la hiérarchie ecclésiastique étaient présentes également de nombreuses religieuses, soutenant des banderoles barrées du slogan «La famille, c'est ce qui compte». Depuis que le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero a annoncé l'an dernier l'approbation de la loi sur le mariage homosexuel, qui devrait entrer en vigueur à la fin du mois, l'Eglise espagnole est sur le pied de guerre. La loi qui autorise le mariage entre des personnes du même sexe et l'adoption pour les couples homosexuels fera de l'Espagne le troisième pays d'Europe à légaliser les noces gays, après la Belgique et la Hollande. Aux yeux de la hiérarchie ecclésiastique, il s'agit d'une «atteinte aux fondements même de la famille» et d'une «hérésie contre les valeurs naturelles». La fronde cléricale contre l'exécutif socialiste avait certes débuté avec l'annulation des cours de religion obligatoires à l'école publique, mais a atteint son point d'orgue en avril lors de la modification au Parlement du Code civil espagnol en faveur du mariage homosexuel. Seize articles ont été transformés, dans lesquels les termes «homme» et «femme» ont été remplacés par «conjoint». Une phrase clé a été également ajoutée à l'article 44 : «Le mariage répondra aux mêmes conditions et aura les mêmes effets que les contractants soient du même sexe ou d'un sexe différent.» La loi garantira les mêmes droits juridiques et sociaux aux couples homosexuels mariés qu'aux couples hétérosexuels en termes d'héritage, de divorce, de perception de pensions, d'accès à la nationalité et également d'adoption d'enfants espagnols. L'adoption d'enfants par des couples homosexuels est de loin le point le plus polémique. Le Parti populaire (PP, droite, dans l'opposition) en a fait l'un de ses chevaux de bataille. Si les conservateurs ne s'opposent pas à l'union civile entre deux personnes du même sexe, ils ne veulent pas entendre parler du terme de mariage pour cette union et surtout du droit à l'adoption pour les couples non mixtes. Samedi, les barons du PP ont arpenté les rues de la capitale avec des pancartes en faveur de la famille traditionnelle sur lesquelles on pouvait lire «Une famille, c'est un père et une mère». Si Mariano Rajoy, le leader de la droite espagnole, ne s'est pas présenté à la marche contre le mariage gay, plusieurs dirigeants du PP se sont déplacés, à l'instar du secrétaire général du parti, Angel Acebes, ou de la conseillère aux affaires municipales de Madrid, Ana Botella, l'épouse de José Maria Aznar. C'est le troisième samedi de suite que le Parti populaire descend dans la rue pour manifester contre le gouvernement socialiste. Les samedis précédents, les barons du PP avaient clamé leur opposition à un possible dialogue avec ETA et au transfert à la Catalogne des archives de la guerre civile réquisitionnées sous la dictature franquiste. Malgré cette clameur populaire contre le mariage homosexuel, le gouvernement Zapatero n'a pas l'intention de faire machine arrière. Samedi, la vice-présidente de l'exécutif, Maria Teresa Fernandez de la Vega a tenu à préciser que la future loi sur les noces gays «ne portait préjudice à personne et qu'elle n'ôtait aucune valeur au mariage entre homme et femme».
