Publication ESPACE L'engin de la Nasa continue sa mission et entame une descente dans une plaine où il pourrait y avoir un lac asséché Le petit robot explorateur Spirit en haut de la colline martienne D'ici, le point de vue est imprenable sur toute la vallée. Après plus d'un an d'une ascension difficile réalisée avec le maximum de précaution, le petit robot de la Nasa Spirit vient d'atteindre le sommet d'un promontoire martien baptisé la colline Husband. La Nasa a communiqué hier encore une nouvelle série de photos. A 80 mètres d'altitude, il domine les reliefs alentour de cette région de la planète rouge située à l'intérieur du cratère Gusev, dans l'hémisphère Sud de Mars. Il y a plus de deux ans, le 4 janvier 2004 très précisément, le robot d'exploration de la taille d'une voiturette de golf «atterrissait» sur Mars, dans ce même cratère de 150 kilomètres de diamètre créé à l'origine par l'impact d'une météorite. Les scientifiques de la mission pensaient que le lieu avait gardé la trace d'un ancien lac, asséché depuis. Ils s'attendaient donc à ce que les images et les analyses faites par Spirit révèlent la présence de roches sédimentaires, c'est-à-dire formées dans un milieu aquatique. Manque de chance : le «rover» n'y observa que des roches volcaniques, des basaltes. De son côté, le frère jumeau de Spirit, Opportunity, débarqué de l'autre côté de la planète vingt jours plus tard, n'en finissait pas de multiplier les découvertes. Il faut dire que Meridiani Planum, son site d'exploration situé sur l'équateur de la planète, avait été choisi justement parce qu'on savait qu'on allait y découvrir des dépôts sédimentaires. Et c'est ce qui se passa. Les analyses réalisées un an durant par les différents instruments d'Opportunity sur les roches montrèrent qu'elles s'étaient formées au fond d'eaux salées et acides, probablement très froides, avec des hauteurs d'eau changeantes et une alternance de périodes sèches. Sans toutefois trancher sur les quantités d'eau mises en jeu – plutôt une mer ou plutôt un lac –, les scientifiques avaient fait la preuve que de l'eau avait été présente par le passé sur la planète rouge. De l'eau qui pourrait d'ailleurs exister encore aujourd'hui mais dans le sous-sol de Mars. Mais Spirit n'avait pas dit son dernier mot. Malgré une progression plus difficile qu'Opportunity sur un terrain parsemé de cailloux, des clichés pris par les caméras du robot montrèrent la présence d'une zone de collines située à trois kilomètres au sud du site d'atterrissage que les chercheurs de la Nasa baptisèrent les collines Columbia – en hommage à la navette spatiale qui venait d'exploser en plein vol. Arrivé au pied d'un de ces reliefs, la colline Husband, la chance commençait alors à sourire à Spirit. «L'idée des géologues était de trouver une zone qui n'avait pas été recouverte par des coulées de lave, explique Pierre Thomas, de l'Ecole normale supérieure de Lyon. Ils se sont donc tournés vers ces collines, apparemment épargnées par les coulées de basalte». Les résultats se sont enchaînés depuis. Au cours de sa lente progression, Spirit a pu étudier une multitude de roches différentes par leur composition. Ce sont toujours des roches volcaniques mais elles ont toutes visiblement été en contact avec de l'eau. Comme l'explique Ray Arvidson, le principal responsable des instruments des robots, «nous voulons avoir la succession des couches géologiques. La seule manière a été de monter pour voir les couches se dessiner les unes au-dessus des autres». Une ascension pas seulement pour la gloire donc. D'autant qu'arrivé en haut de son promontoire, le magnifique panorama offert aux scientifiques promet beaucoup pour l'avenir. Depuis sa colline, Spirit prépare déjà sa route. La plaine qui se profile offre en effet une multitude de choses à étudier dans l'année qui vient. Les images montrent des roches qui affleurent à certains endroits, cibles de choix pour les géologues, des petites dunes de sable et également la présence de petites tornades. Les responsables ont donc eu la bonne idée de prolonger à trois reprises la mission des deux rovers qui ne devait durer initialement que 100 jours. Comme les robots n'ont montré depuis aucun signe de faiblesse, ils devraient encore rouler sur la planète rouge jusqu'à septembre 2006. C'est d'ailleurs la présence d'un environnement venteux qui a permis de prolonger la vie de Spirit et d'Opportunity en débarrassant régulièrement de la poussière leurs panneaux solaires. C'est surtout la présence d'un relief particulier de couleur sombre qui intrigue les chercheurs. Ils l'ont appelé «Home Plate», car il se présente sous la forme d'une assiette plate. Pour les géologues, il peut s'agir d'un plateau ou d'un cratère volcanique qui s'est rempli depuis sa formation. «On peut rêver que le cratère ait été occupé par un lac dans le passé, avance Pierre Thomas. Il pourrait ainsi s'être comblé de sédiments au cours du temps et l'érosion aurait exposé depuis les couches sédimentaires.» C'est ce que devra dire le petit robot Spirit. Il lui faut maintenant entamer la descente vers la plaine sur la face sud de la colline Husband. Lui qui a déjà progressé d'environ cinq kilomètres, contre presque six kilomètres pour son compère Opportunity, enlisé dans les sables six semaines durant puis tiré d'affaire il y a peu par l'ingéniosité des ingénieurs au sol. Seule ombre au tableau : nul ne peut vraiment dire si les deux engins d'exploration pourront aller au bout de leur mission, qui promet de nouvelles moissons de découvertes. Bien qu'ils aient l'air parfaitement bien portants, les robots ne sont pas à l'abri d'une défaillance. Des câbles électriques abîmés par l'environnement inhospitalier de Mars pourraient lâcher par exemple. Les chercheurs sont sur le gril. «C'est comme une année et demie d'adrénaline», commente Ray Arvidson.
