Interdiction Environnement. L'UE va interdire partiellement ces piles polluantes au grand dam des industriels.Une brèche dans le lobby du cadmiumL'Union européenne s'attaque enfin aux piles au cadmium. Réunis hier à Bruxelles, les ministres européens de l'Environnement ont décidé de les interdire partiellement et de prévoir un système de collecte et de recyclage. La brèche est ouverte. Au grand dam de l'industrie qui a lutté contre toute interdiction même la plus minimaliste.Elimination. Le cadmium, ce dérivé du zinc entrant dans la fabrication de nombreux accumulateurs et piles, est nocif pour l'environnement. Et cancérigène. Le problème de ces piles se pose lors de leur élimination. Mises en décharge ou incinérées, elles laissent le cadmium s'échapper, entraînant des rejets toxiques dans l'air, le sol et l'eau. Au même titre que les piles au mercure et au plomb, celles au cadmium ont été classées «déchets dangereux» par la Commission européenne en 2000. Et ce n'est pas un hasard si l'UE s'est engagée dès 1988 à interdire le cadmium chaque fois que des produits de substitution sont disponibles. C'était sans compter le lobbying des industriels, Saft en tête, leader mondial des accumulateurs au cadmium.Au départ, en 2001, l'intention de la commissaire européenne chargée de l'Environnement est d'interdire progressivement, d'ici à 2008, l'utilisation du cadmium dans les piles et les accumulateurs. Mais au dernier moment la Commission remet sa proposition au placard, 18 de ses membres sur 20 se prononçant contre. Pourtant, on peut lire dans le PV de réunion (que Libération s'était procuré) que les commissaires «ont pleinement conscience des problèmes de santé et d'environnement liés au cadmium». Le lobbying acharné de Saft, alors filiale à 100 % du français Alcatel et racheté en janvier 2004 par un fonds d'investissement britannique, a payé. «Ils ont bloqué le projet au sein de la Commission pendant des années et ils essaient toujours de le faire capoter», assure un proche du dossier. Saft occupe environ 75 % du marché des batteries au cadmium industrielles (système de freinage d'urgence des trains, groupes électrogènes...). Son chiffre d'affaires annuel est de 560 millions d'euros et il emploie 4 000 personnes (dont la moitié en France). L'interdiction du cadmium signerait sa mort.En novembre 2003, la Commission adopte un projet de directive mais il n'est plus question de bannissement, juste de collecte et de recyclage financés par les industriels. Coup de théâtre, en avril 2004, le Parlement européen réintroduit une interdiction du cadmium pour les piles grand public (rasoirs, jouets téléguidés, ordinateurs...). Saft n'est que marginalement touché, mais l'entreprise continue à mener bataille: même la plus petite interdiction sonne à ses yeux comme un mauvais présage. «L'interdiction est une mesure disproportionnée qui n'est pas justifiée, plaide Jill Ledger, sa directrice de la communication. Qu'ils ne nous disent pas qu'ils vont sauver la planète, les piles et accumulateurs au cadmium ne représentent que 2 % des émissions globales de cette substance, qui proviennent d'abord des fertilisants et des métaux.» L'argumentation est reprise par la France. «Pourquoi interdire alors que l'on peut obtenir des résultats équivalents avec la collecte et le recyclage ?» assure un diplomate en reconnaissant que les Etats n'ont pas eu le temps de mener des études approfondies et se sont donc basés sur les informations de leur industrie.L'accord obtenu non sans mal hier prévoit une interdiction très limitée des piles au cadmium grand public. Principale raison : l'exception qui touche les outils de bricolage (perceuses, ponceuses...) où se retrouve 70 % de la consommation de cadmium. Quant à la collecte, l'objectif a été revu à la baisse, pour tomber à 45 %. «Même si c'est du vernis, il vaut mieux ce texte que rien du tout. C'est un premier pas», résume un expert. Surtout, la bataille n'est pas terminée : le Parlement a son mot à dire en deuxième lecture.
