Annonce ENVIRONNEMENT Alors que vingt-six départements sont touchés par des restrictions d'eau, le ministre de l'Ecologie ne cache pas son inquiétude La sécheresse envahit le Grand Ouest La sécheresse «s'étend assez vite», a déclaré hier Nelly Olin. Le Lot-et-Garonne est venu s'ajouter à la longue liste des départements – 26 au total – touchés par des arrêtés préfectoraux de restrictions d'eau. Par ailleurs, les interdits se sont intensifiés dans plusieurs départements, tels que la Gironde. Une bonne partie de l'ouest du pays est désormais asséchée. C'est en Charente que le ministre de l'Ecologie est donc venu constater les dégâts de la sécheresse et «apporter son soutien» à «un département fragilisé», où la situation était «extrêmement tendue». Même si les comportements ont évolué avec une diminution, cette année, des cultures qui ont besoin d'eau, l'usage de l'eau reste un point noir dans le monde agricole. Nelly Olin a rappelé son souhait de voir «la loi sur l'eau passer le plus rapidement possible». Celle-ci manie la carotte et le bâton : la redevance sur les prélèvements d'eau peut être augmentée en cas de sécheresse ou réduite de 50% en cas de gestion collective de l'eau par les agriculteurs. Dès le mois de mars, le lit des cours d'eau de l'Hérault, du Gard et de la Lozère affichaient des niveaux exceptionnellement bas.  (Photo AFP)  Peut-on manquer d'eau en France ? Au seul regard des données globales du ministère de l'Ecologie, la réponse est évidemment non : chaque année quelque 34 milliards de mètres cubes d'eau douce sont prélevés dans l'Hexagone pour la production d'eau potable, l'industrie, l'irrigation, et le refroidissement des centrales thermiques. Un chiffre «globalement très inférieur aux 173 milliards de mètres cubes qui par le biais des précipitations alimentent en année moyenne nos ressources», rappelle le ministère dans une de ses publications. Et ces prélèvements, qui n'ont cessé d'augmenter jusqu'à la fin des années 80, sont à peu près stabilisés depuis. Seulement voilà : cette donnée cache de très grandes disparités liées aux régions et surtout aux activités qui y sont développées. «Il y a trois types d'usage de l'eau : domestique, industriel ou agricole», rappelle Bernard Guirkinger, le président de la Lyonnaise des eaux. Du côté des particuliers, le constat est simple : «La consommation baisse régulièrement depuis les années 90, de 1 à 1,5% par an. Cette année, la baisse enregistrée est même de 2%», explique le dirigeant d'entreprise. L'explosion du nombre des piscines, tout comme l'amélioration constante de l'hygiène de vie, est largement compensée par le fait que les installations (lave-vaisselle, lave-linge, etc.) consomment beaucoup moins d'eau et par la chasse aux fuites engagée par les exploitants. Les messages répétés en faveur d'une meilleure gestion de l'eau par les associations écologiques ont sans doute également une part de responsabilité. Même tonalité plutôt rassurante du côté de l'industrie. «Les industriels ont fait de gros efforts pour recycler et réduire leur consommation», poursuit Bernard Guirkinger. Et, si les centrales thermiques sont les plus grosses consommatrices d'eau pour permettre le refroidissement des installations, l'essentiel de cette eau retourne immédiatement dans les cours d'eau. Le point noir est à chercher du côté de l'agriculture. Les volumes d'eau prélevés ont fortement augmenté en raison de l'accroissement des surfaces irriguées : de 400 000 ha en 1955, on est passé à 1,1 million d'hectares en 1988 et à 1,6 million en 2000 ! Paradoxalement, les gran des sécheresses passées, à commencer par celle de 1976, ont favorisé le développement de l'irrigation. «A l'époque, personne ne se souciait de l'eau. Il faut se rappeler que le projet, fort heureusement abandonné, de bétonner le canal du Midi pour en faire une route avait même été évoqué !», rappelle un spécialiste de l'eau. La politique agricole commune (PAC) a également joué un rôle important dans le développement de l'irrigation en encourageant les productions intensives obtenues par des arrosages permanents (le maïs notamment). Si on ajoute à cela un hiver trop sec et le fait que ces arrosages intensifs se produisent sur une période très restreinte, au moment des plus grosses chaleurs et sans aucune restitution immédiate dans les milieux naturels, la situation peut devenir catastrophique. C'est celle que l'on connaît aujourd'hui dans un quart des départements français, essentiellement dans la moitié ouest. L'usage de l'eau y est fortement restreint, voire interdit, pour diverses activités : arrosage des parcs, des golfs, remplissage des piscines et parfois même irrigation des cultures. Ces restrictions vont-elles faire désormais partie du paysage estival ? Même en cas de niveau de pluviométrie hivernal suffisant, il paraît difficile d'échapper à une réflexion sur l'usage de l'eau dans le monde agricole. «L'entrée en vigueur de la nouvelle PAC devrait déjà infléchir la tendance», souligne-t-on encore dans l'entourage du ministre de l'Ecologie. L'idée parfois évoquée de transporter l'eau d'une région à une autre paraît illusoire : non seulement elle serait écologiquement discutable, mais le coût d'un tel transvasement reste pour l'heure prohibitif.