Premier/e Entre vaudeville et mélodrame, "La Veuve joyeuse" de Macha MakeïeffL a Veuve joyeuse", c'est le nom d'un cocktail - vermouth blanc, gin, Pernod, bénédictine et un trait d'angustura. Dans le sien, Macha Makeïeff a ajouté pas mal de bitter. C'est donc une Veuve joyeuse pas si gaie que cela. Missia Palmieri est belle, riche de 50 millions, mais son coeur de jeune fille a été brisé par le prince Danilo qui la courtisait jadis et l'a quittée.Le prince Danilo non plus n'est pas si gai, bien qu'il mène joyeuse vie d'attaché militaire à l'ambassade de Marsovie auprès des grisettes et des petites femmes de Paris. L'ambassadeur, le baron Popov, a tout lieu de s'inquiéter. Sa femme, la belle Nadia, flirte outrageusement avec le jeune Camille de Coutanson. Quant à la Marsovie, ce petit pays d'Europe centrale, il est au bord de la guerre et de la banqueroute nationale.Le grisbi de la veuve ne doit pas quitter le territoire. Il faut donc qu'elle épouse impérativement marsovien. Au prince Danilo de veiller au grain. Epouser la Palmieri ? Cela serait trop simple, l'infortune du coeur pèse plus lourd que les millions de la fortune. La Veuve joyeuse, cela n'est pas si léger, au fond. Valse hésitation de deux coeurs meurtris qui ne peuvent plus s'aimer sans souffrance. Et le happy end n'y changera rien.Musicalement, deux airs ont fait La Veuve joyeuse, l'un est un cancan qui fustige le coeur de l'Eternel féminin ("Le jour qu'Eve écouta le Malin"), l'autre une valse qui le grise (le fameux "Heure exquise, qui nous grise lentement"). C'est très peu car le reste est insipide.FILE INDIENNE AVEC PETITS CRISInspiré par l'Allemagne des années 1920, l'univers cinématographique des Veuve joyeuse d'Erich von Stroheim (1925) et Ernst Lubitsch (1934), le spectacle mis en scène par Macha Makeïeff est racé, intelligent et poétique. Trop racé pour la musique, trop intelligent pour les personnages, trop poétique pour l'intrigue.Les décors et costumes de Macha Makeïeff sont raffinés - notamment ceux des appartements parisiens de Missia au deuxième acte avec vitrine d'animaux empaillés et motifs décoratifs à la Klimt. Les lumières de Dominique Bruguière sont aux couleurs de la nostalgie. Ce monde de la haute couture factice rencontre celui de la griffe "Deschiens", le numéro chant, danse et rire glaçant obbligato de Robert Horn, le chien noir qui passe comme le chaland de la chanson, le bris de vaisselle en coulisses, les poursuites à la file indienne avec petits cris, etc.Véronique Gens est une veuve "classieuse", tant vocalement (superbe "Chanson de Vylia") que scéniquement. Tandis que Magali Léger en Nadia Popov, puis Manon la grisette au troisième acte, prouvent que sa séduction vocale n'a d'égale que la souplesse de son French cancan. Faute de combler les dames, l'éternel masculin trouvera en Ivan Ludlow (le prince Danilo), François Le Roux (le baron Popov) et Gordon Gietz (Camille de Coutanson) de quoi satisfaire un ego souvent mis à mal. Vaudeville ou mélodrame ? Les deux, mon général.La Veuve joyeuse, de Franz Lehar. Avec Véronique Gens, Ivan Ludlow, François Le Roux, Magali Léger, Gordon Gietz, Robert Horn. Macha Makeïeff (mise en scène, décors et costumes), Dominique Bruguière (lumière). Orchestre et Choeurs de l'Opéra de Lyon, Gérard Korsten (direction).Opéra de Lyon, place de la Comédie, Lyon-1er. Le 15 décembre. Prochaines représentations les 19, 21, 23, 26, 28 et 31 décembre à 20 heures ; le 1er janvier 2007, à 17 heures. Tél. : 08-26-30-53-25 (0,15/mn). De 5 € à 80 €. Sur Internet : www.opera-lyon.com.
