Visite En visite en Tchétchénie, Poutine loue la «normalisation» Une semaine avant l'élection présidentielle tchétchène, Vladimir Poutine a voulu joindre le geste à la parole. Répétant depuis des mois que la petite république du Caucase est désormais en voie de «normalisation» après une décennie de guerre, le président russe s'est lui-même rendu hier dans l'un des lieux emblématiques de ce conflit : Tsentoroï, le village bunker de la famille Kadyrov, dans le sud-est de la Tchétchénie. Vladimir Poutine est venu déposer une gerbe d'oeillets rouges sur la tombe de Kadyrov senior (Akhmad, le président tchétchène assassiné en mai dernier dans un attentat à la bombe). Il était accompagné de Kadyrov junior (Ramzan, le fils du défunt, aujourd'hui premier vice-premier ministre de la République). «Nous avons perdu une personne courageuse, talentueuse et exceptionnellement correcte. Il n'avait d'autre but dans la vie que d'être au service de son peuple», a déclaré le chef du Kremlin. Un hommage controversé : commandant séparatiste lors de la première guerre (1994-1996), Akhmad Kadyrov avait changé de camp au début de la deuxième guerre (1999) pour devenir l'allié tchétchène le plus fidèle de Moscou. Elu président de la République en octobre dernier, lors d'un scrutin condamné par les observateurs internationaux, il n'en restait pas moins un traître, craint et peu aimé, aux yeux d'une grande partie de la population. Son fils Ramzan, 28 ans, a plus mauvaise réputation encore : il a créé les «kadyrovtsy», une milice de 1 500 à 3 000 hommes, qui ont la double mission de protéger le président et de mener bataille contre les séparatistes. Une milice dont la cruauté et l'arbitraire inspirent peur et haine. Avec sa visite dans le fief des Kadyrov, Vladimir Poutine a voulu réaffirmer son soutien à la famille qui doit incarner la «tchétchénisation» des pouvoirs. C'est-à-dire le transfert graduel aux autorités locales des responsabilités politiques et la réduction du rôle des forces militaires russes. «Akhmad Kadyrov avançait vers cet objectif, sur un chemin difficile, mais a toujours été honnête», a insisté hier Vladimir Poutine. Au début du mois, il avait déjà pris la décision, tout aussi symbolique et controversée, de nommer une rue de Moscou en l'honneur du défunt. Hier, la date de sa visite surprise (un rare événement) avait elle-même valeur de symbole : alors qu'Akhmad Kadyrov avait été assassiné le 9 mai, une humiliation le jour célébrant la victoire de l'Armée rouge sur l'Allemagne nazie, le voyage du président a eu lieu au moment où la Russie fêtait... la journée du drapeau national. C'était aussi la veille de l'anniversaire d'Akhmad Kadyrov. Tout en montrant son intérêt pour la région, alors que la situation reste tendue dans le reste du Caucase, en particulier en Géorgie et sur le territoire autoproclamé indépendant d'Ossétie du Sud, la visite présidentielle s'inscrit ainsi dans la stratégie de «normalisation» de la Tchétchénie. Dans sept jours, la république doit choisir le successeur d'Akhmad Kadyrov. Une élection condamnée d'avance par les organisations de défense de droits de l'homme, soupçonnant qu'elle ne sera pas plus démocratique que la précédente. Vladimir Poutine a d'ailleurs affiché hier publiquement son soutien au candidat Alou Alkhanov, le ministre tchétchène de l'Intérieur, choisi par le Kremlin pour ce scrutin apparemment gagné d'avance. Les deux hommes, qui venaient de se rencontrer pour discuter des dédommagements de guerre, se sont rendus ensemble à la cérémonie en l'honneur d'Akhmad Kadyrov. Mais, pendant le week-end, de violents combats ont à nouveau éclaté, notamment dans la capitale tchétchène, Grozny. Des affrontements qui, à eux seuls, rendent tout relatifs les discours du Kremlin sur la «normalisation».