Disparition En Tchétchénie, les disparitions de civils se multiplient Moscou de notre correspondante "S'agissant des enlèvements et des disparitions d'habitants en Tchétchénie, la situation a empiré. Certaines statistiques font croire à une amélioration, mais elles sont trompeuses, car en réalité les habitants ont de plus en plus peur de signaler les disparitions aux organes du ministère de l'intérieur, au parquet, et aux organisations non gouvernementales". Des représentants de l'association Memorial et du Groupe Helsinki de Moscou ont dressé, lundi 7 février, ce tableau accablant des violences qui continuent d'être commises en Tchétchénie contre des civils. Ils soulignent que nombre de familles tchétchènes craignent de faire état d'enlèvements, de peur d'être exposées à des représailles des forces de l'ordre. Les défenseurs des droits de l'homme estiment que la plupart des enlèvements sont perpétrés par des unités armées - composées de miliciens tchétchènes ou de soldats russes - agissant sur les ordres du ROSH, acronyme désignant le "Quartier général des opérations antiterroristes dans le Caucase du Nord", qui obéit au pouvoir fédéral russe. Memorial souligne que ses statistiques ne sont pas exhaustives, en raison de la peur et aussi parce que l'association ne peut, en raison de ses moyens, "recueillir des données que sur un tiers, voire un quart, du territoire de la Tchétchénie". Depuis le début du conflit, en 1999, elle estime que le nombre de disparus en Tchétchénie s'élève "entre 3000 et 5000". En 2004, Memorial a pu documenter 396 cas d'enlèvements de civils, contre 495 en 2003. "Cette baisse ne signifie rien, estime l'association, car ne nombreux enlèvements restent cachés". De retour d'un voyage en Tchétchénie, Tania Lokshina, du Groupe Helsinki de Moscou, explique que la politique de "tchétchénisation" du conflit par le Kremlin - dans laquelle les troupes fédérales russes confient des opérations de ratissage à des supplétifs tchétchènes - a fortement contribué à la chape de silence entourant les exactions. "Les hommes de Ramzan Kadyrov - le chef de la principale milice tchétchène prorusse - préfèrent pratiquer les enlèvements pour toucher des rançons auprès des familles, donc celles-ci gardent le silence en espérant pouvoir trouver un arrangement avec les ravisseurs", dit-elle. Elle ajoute que les unités tchétchènes prorusses qui se livrent à des actes de terreur contre des villageois soupçonnés d'aider la guérilla, comportent en leur sein quelques officiers russes, chargés de les guider et de surveiller leurs activités. Memorial souligne "l'atmosphère d'impunité totale qui entoure les enlèvements d'habitants par des forces de l'ordre", décrivant le phénomène comme un "système de prises d'otages". Les unités armées prorusses ont multiplié ces derniers temps les enlèvements de proches de "boeviki" (combattants tchétchènes), notamment des femmes, en vue de contraindre les insurgés à se rendre. Huit proches du chef de la guérilla indépendantiste, Aslan Maskhadov, enlevés en décembre, sont toujours portés disparus. Le Kremlin a par ailleurs opposé une fin de non-recevoir, lundi, à la dernière demande d'Aslan Maskhadov d'engager des négociations de paix. Le président tchétchène élu en 1997, réfugié depuis cinq ans dans la clandestinité, avait fait savoir, la semaine dernière, par des intermédiaires en Europe et à travers un site Internet, que ses forces observeraient un cessez-le-feu unilatéral "jusqu'au 22 février", "en signe de bonne volonté". Des sources officielles à Grozny faisaient effectivement état, lundi, d'un arrêt des accrochages armés "sérieux" en Tchétchénie. "Nous ne parlons pas avec des terroristes", a commenté Dmitri Peskov, un porte-parole du Kremlin.