Statistique En France, une femme sur dix est victime de violences conjugales Un des plus grands scandales en matière de droits humains." Dans son rapport paru mercredi 8 février, Amnesty International épingle la manière dont la France agit face aux violences faites aux femmes. Et l'organisation cite des chiffres à l'appui de sa démonstration : une femme meurt sous les coups de son partenaire tous les quatre jours, et une femme sur dix est victime de violences conjugales, estime l'organisation non gouvernementale, qui n'hésite pas à parler d'"une affaire d'Etat". Le rapport dépasse le simple constat pour s'intéresser principalement à "la réponse des autorités à ces violences". "Timidité" de la justice, absence "d'une véritable prévention", "insuffisance" des capacités d'hébergement des victimes dans des lieux sécurisés, formation inadéquate des policiers, magistrats, médecins... Le rapport dresse une longue liste de ce qui ne va pas dans la lutte face à ce fléau, et réclame "un traitement judiciaire des victimes ainsi qu'un accompagnement social efficace", une "coordination et une politique volontariste" ainsi qu'une "sensibilisation et une vraie campagne d'information soutenue par l'Etat". CAMPAGNE DE SENSIBILISATION Amnesty a annoncé la diffusion d'un spot sur plusieurs chaînes de télévision et dans les cinémas à partir de la mi-février. On y voit le visage d'une femme traumatisée, qui se maquille les yeux en pleurant : "Le seul bleu tolérable sur le visage d'une femme est le bleu de son maquillage", lit-on dans le message du spot. La chanteuse de rap Diam's, marraine de la campagne, a confié son calvaire de "jeune fille battue". "J'ai été battue par mon petit copain quand j'avais 17 ans. Il a commencé à me battre au bout de quatre mois. Au début, c'était du harcèlement psychologique. C'est très destructeur", a-t-elle dit. "Ça s'est terminé après une séquestration, ma mère a tout découvert. J'avais 17 ans, je n'ai pas porté plainte, j'avais honte, j'avais peur. Mais un policier m'a poussée à porter plainte. Comment voulez-vous aimer après tout cela ? Ce n'est pas cela de l'amour, on peut aimer sans avoir à se protéger le visage à chaque fois qu'une personne s'approche de vous", a-t-elle ajouté. Amnesty insiste sur "l'enfer" des victimes de violences conjugales, qui, après avoir osé "briser le silence", font l'objet de "représailles économiques" de la part de leur conjoint. Ces femmes "ne doivent plus se trouver face à l'incompréhension et à l'indifférence". LUTTER CONTRE LA TRAITE DES FEMMES L'organisation dénonce également la situation des femmes, originaires des pays de l'Est, des Balkans, d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne et d'Asie, "victimes de traite à des fins de prostitution" en France. Elle estime qu'elles seraient 14 000 dans l'Hexagone, "vendues une première fois, parfois même plusieurs fois, [et qui] seront à force de violences, d'humiliations quotidiennes, de privation de liberté et de menaces, contraintes à se prostituer". Début février, Amnesty a demandé au premier ministre, Dominique de Villepin, d'adopter "une politique ambitieuse en la matière", rappelant que le "droit international oblige les Etats à sanctionner les auteurs, mais aussi à agir pour prévenir ces violences et garantir une réparation adéquate pour les victimes". Elle demande à la France de "ratifier la Convention européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains". L'organisation a reçu le soutien du Parti socialiste, qui, dans un communiqué, a demandé à la France de sortir "de son hypocrite cécité et de son silence complaisant à l'égard de la traite des êtres humains et de la prostitution". La prostitution est bien une violence contre les femmes, renchérit le PS, alors que le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, "l'avait traitée comme un trouble à l'ordre public". Mais plus que de nouvelles lois, Amnesty International demande surtout des moyens. "Il ne faut pas se contenter d'une belle boîte à outils législative", a déclaré Prune de Montvalon, auteur du rapport. "Il faut une politique ambitieuse qui se donne les moyens d'agir pour lutter contre ce fléau."