Annonce En Bolivie, le président Evo Morales donne le coup d'envoi de sa "révolution agraire" Un mois après la nationalisation des hydrocarbures, le 1er mai, le président bolivien, Evo Morales, a donné le coup d'envoi de sa "révolution agraire". Samedi 3 juin, à Santa Cruz (Est), il a présenté sept décrets présidentiels et annoncé la distribution de 2,2 millions d'hectares de terres appartenant à l'Etat aux paysans sans terre ou possédant des lopins trop réduits, notamment dans l'Amazonie bolivienne. Ce même jour, le président Morales a remis symboliquement une soixantaine de titres de propriété aux communautés indiennes des départements de Pando, Beni, Santa Cruz et Tarija (sud et est de la Bolivie). Ces "terres communautaires d'origine", totalisant 3,1 millions d'hectares, étaient déjà occupées par leurs communautés respectives. "Je suis comme vous, je suis l'un des votres", a déclaré le président bolivien à l'intention des paysans et des Indiens rassemblés à Santa Cruz, capitale économique du pays. Face aux grands propriétaires terriens qui accusent des paysans sans terre d'occuper leurs domaines, M. Morales a lancé : "Ce sont eux, et leurs aïeuls, qui ont occupé nos terres depuis cinq cents ans ; c'est à eux de rendre les terres à leurs propriétaires originels." La principale organisation des propriétaires terriens de l'Est bolivien, la Chambre agricole de l'Orient (CAO), a dénoncé des mesures "unilatérales" et l'absence de volonté de négociation du gouvernement. Le dialogue avait été suspendu vendredi, sans résultats. "Nous regrettons que le président se laisse aller à la tentation de faire de la politique avec la terre, au lieu d'adopter une politique agricole nationale, sur la base du consensus avec tous les secteurs concernés", a déploré Mauricio Roca, vice-président de la CAO. L'organisation patronale critique la distribution de terres appartenant aux réserves forestières de l'Etat. Elle souligne le calcul politique lié à l'annonce présidentielle avant l'élection de l'Assemblée constituante prévue le 2 juillet. La convocation de cette assemblée destinée à "refonder la Bolivie",est le principal engagement politique d'Evo Morales. EXPLOITATION COMMUNAUTAIRE Selon le président bolivien, sa "révolution agraire" évitera les inconvénients de la réforme agraire promulguée en 1953, dans la foulée de la révolution nationaliste de 1952. La distribution de lopins individuels avait alors abouti à une multiplicati on de petites propriétés peu viables. Le gouvernement Morales entend privilégier l'exploitation communautaire et ouvrir de nouveaux marchés en Asie, en Afrique et en Europe pour des produits issus de l'agriculture biologique ou organique. L'Etat a promis une dizaine de tracteurs à chaque municipalité rurale. Les grandes exploitations agricoles n'ont pas été touchées par les mesures annoncées samedi. A en croire la presse de gauche, une centaine de grandes familles contrôlent en Bolivie 25 millions d'hectares de terre arables, alors que 2 millions de paysans travaillent sur une surface d'à peine 5 millions d'hectares. L'extrême gauche regrette d'ailleurs qu'Evo Morales ne se soit pas attaqué d'emblée aux latifundia. "Je voudrais avertir (les propriétaires) que le prochain pas visera les terres improductives", a pourtant lancé M. Morales lors de son discours à Santa Cruz. Le chef de l'Etat a nommément menacé la famille Monasterios, propriétaire de la chaîne de télévision Unitel.