Élection En Afghanistan, électeurs par millions et candidats à foisonL'inscription sur les listes électorales s'achève avec succès aujourd'hui. 'est à Karte Parwan, quartier populaire à l'ouest de la capitale afghane. L'un des derniers bureaux d'inscription sur les listes électorales encore ouverts dans la capitale afghane est installé dans une petite école, une pièce aménagée pour l'occasion, avec tout le matériel nécessaire aux inscriptions : deux appareils photo numériques pour ceux qui n'ont pas de photo, les cartes d'électeurs à remplir et un espace protégé des regards pour les femmes en tchadri. La responsable du bureau exige d'elles qu'elles soulèvent un instant leur voile bleu pour la photo d'identité. Certaines refusent encore, comme Rachiwa, qui repart en disant qu'elle reviendra peut-être avec son mari. L'enregistrement des électeurs s'achève aujourd'hui pour l'ensemble du pays. Jusqu'au dernier moment, les gens se pressaient car le droit de vote, le premier de l'histoire du pays, est pris très au sérieux. «Nous partons de zéro, tout est à faire, c'est la première fois que l'Afghanistan connaît un processus démocratique», note la responsable du bureau. «C'est tout un système d'enregistrement qu'il a fallu mettre en place. Nous nous sommes attaqués à une montagne : mobiliser la population dans notre pays difficile d'accès, sans culture électorale et aux coutumes étrangères à la démocratie à l'occidentale. Par exemple, se faire prendre en photo pour ces femmes.»Dix morts. Après avoir été repoussée deux fois, à cause du manque de progrès dans le désarmement des milices et parce que l'enregistrement des électeurs était décidément beaucoup trop lent, la présidentielle devrait finalement avoir lieu le 9 octobre. Les Nations unies ont enregistré près de 90 % de l'électorat potentiel, soit 9 millions d'Afghans. Un succès. Et pourtant, début juin, après six mois d'ouverture, à peine la moitié de la population en âge de voter était inscrite sur les listes électorales, dont 27 % de femmes. En deux mois, les Afghans se sont donc rendus en masse dans les bureaux d'enregistrement. Un élan général, que les responsables de la composante électorale de la Mission d'assistance des Nations unies à l'Afghanistan (Unama) ont eu l'agréable surprise de constater, notamment dans les provinces réputées les plus difficiles, les provinces pachtounes.«A cause des talibans, nous étions accompagnés de militaires, des Afghans et des Américains, pour nous rendre dans les villages. Je me souviens qu'à Paktika, nous avons essuyé plusieurs fois des coups de feu, mais grâce aux soldats, nous avons réussi à enregistrer les électeurs», raconte Nek Mohammad, employé pour l'occasion par l'Unama. Ce qui a tout changé : des bureaux de vote mobiles protégés par l'armée. «En pleine déconfiture, courant juin, alors que le processus traînait pour des questions de sécurité, nous avons eu l'idée d'aller à la rencontre des électeurs.» Et finalement, le taux d'électeurs imposé par les accords de Bonn (signés en 2001, ils réglementent la mise en place d'un gouvernement intérimaire), soit 70 % d'inscrits, a été dépassé. La campagne s'est néanmoins soldée par la mort de 10 personnes et 33 blessés. Le 27 juin, une bombe fixée sous un minibus des Nations unies à Jalalabad, dans l'est du pays, a explosé. Bilan de cette attaque la plus meurtrière contre le processus électoral : trois femmes tuées et quatre blessées.Le 9 octobre, les votants devront choisir entre 18 candidats, dont l'actuel président intérimaire, Hamid Karzaï. Avant-hier, un groupe de 14 candidats avait demandé sa démission la veille des élections en menaçant de boycotter le scrutin. Exigence écartée par Karzaï hier, car «non conforme à la Constitution».Education. La grande inconnue du scrutin reste le vote des femmes, qui représentent 42 % de l'électorat. «Nous ne savons pas si les hommes les laisseront sortir pour aller voter», reconnaît une Française qui travaille pour les Nations unies. «Les miens voteront comme moi et les femmes resteront chez elles. La politique est une affaire d'hommes», disait, en mars, le chef de la police d'Orgun, bourg misérable et poussiéreux aux confins du pays. Focalisé sur les enregistrements, l'ONU n'a pas encore vraiment organisé de programme d'éducation civique. Manoel de Almeida da Silva, porte-parole de l'Unama, veut néanmoins croire au succès de ce scrutin : «Nous sommes certains que les gens se rendront en masse dans les bureaux de vote.»
