Crise Emeutes meurtrières à Khartoum après l'annonce de la mort de John GarangDe violentes émeutes ont éclaté, lundi 1er août, au Soudan, après l'annonce de la mort du chef de la rébellion sudiste et vice-président, John Garang, dans un accident d'hélicoptère. Des milliers de sudistes munis d'armes blanches et d'armes à feu sont descendus dans les rues de Khartoum, la capitale, et de Juba, la principale ville du sud du pays, détruisant et incendiant des dizaines de véhicules et de commerces. A Khartoum, plus de vingt personnes ont été tuées et des dizaines ont été blessées.Les autorités ont décrété un couvre-feu de douze heures à Khartoum, de 18 heures à 6 heures heure locale (de 17 heures à 5 heures à Paris). Le président soudanais Omar Al-Bachir a rapporté que John Garang et treize autres personnes ont été tués dans un accident d'hélicoptère survenu samedi soir dans les montagnes du sud du Soudan. Mais cette version officielle est remise en cause par les Sudistes. Selon le communiqué officiel de la présidence soudanaise, l'appareil "s'est écrasé après avoir percuté la chaîne de montagne des Amatonj, dans le sud du Soudan, en raison de problèmes de visibilité. Il en a résulté la mort de John Garang et de six personnes qui l'accompagnaient ainsi que des sept membres de l'équipage de l'appareil présidentiel ougandais". La veille, pourtant, il avait été annoncé que l'atterrissage de l'hélicoptère s'était déroulé "sans encombre".RUMEURS ET APPELS AU CALMELes autorités et le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) ont tenté de calmer les esprits. Le SPLM, dont la direction a nommé à sa tête Salva Kiir, numéro deux du mouvement et chef de sa branche militaire (la SPLA), pour succéder à John Garang, a lancé un appel au calme. Il a déclaré que John Garang a été victime d'"un accident, contrairement aux rumeurs donnant d'autres raisons à sa mort", et exhorté ses partisans à la retenue.Le sultan Deng Macham, un haut dignitaire de l'ethnie Dinka, s'est adressé aux Sudistes à la télévision, s'exprimant en arabe et en dinka, pour les convaincre de ne pas céder aux rumeurs et de prendre au sérieux le communiqué.A Kampala, le président ougandais Yoweri Museveni a annoncé la création d'une commission spéciale chargée d'enquêter sur l'accident de l'hélicoptère présidentiel ougandais, un MI-72. M. Museveni a indiqué qu'il avait demandé à un gouvernement étranger d'étudier ce crash afin d'établir de façon définitive qu'il s'agissait d'un accident, et non d'un sabotage ou d'un acte de terrorisme.Omar Al-Bachir a, quant à lui, assuré que la mort de John Garang n'aurait aucune conséquence négative sur le processus de paix en cours avec les ex-rebelles sudistes. "Nous affirmons que le processus de paix se poursuivra", a déclaré le président. La disparition de John Garang "ne fera que renforcer notre détermination à poursuivre le processus qu'il avait engagé avec ses camarades du Mouvement populaire de libération du Soudan", a-t-il ajouté.Les Etat-Unis ont d'ailleurs dépêché sur-le-champ, lundi, deux diplomates pour s'assurer que le processus de paix se poursuit.La disparition de John Garang, 60 ans, chef du Sud-Soudan – animiste et chrétien, en rébellion contre le Nord musulman – et pièce maîtresse du subtil accord de partage du pouvoir et des richesses conclu en janvier, jette une ombre sur la paix fragile, concrétisée par sa nomination comme vice-président d'un pouvoir central qu'il avait combattu durant plus de deux décennies. DES ACCORDS DE PAIX FRAGILISÉSL'accord en vigueur depuis le 9 juillet repose sur une Loi fondamentale qui reconnaît le pluralisme politique et la tolérance religieuse. Le Sud chrétien peut désormais échapper à la charia (loi islamique) en vigueur au Nord. Le pouvoir politique, lui, est exercé par une présidence collégiale composée de trois personnes. Le chef de l'Etat, Omar Al-Bachir, avait ainsi accepté de partager le pouvoir avec son ex-opposant le plus farouche, John Garang, promu premier vice-président, et avec celui qui avait été son interlocuteur lors des négociations de paix, Ali Osman Taha, second vice-président. Chrétien, M. Garang pouvait même assurer l'intérim d'Omar Al-Bachir en son absence. Il pouvait également se présenter à la présidence puisque l'appartenance à la religion musulmane n'était plus exigée. L'ancien rebelle devenu vice-président du Sud-Soudan, région dotée d'une vaste autonomie politique et économique, avait aussi obtenu que Khartoum reverse la moitié des revenus des puits de pétrole concentrés au Sud. Si le processus de paix se poursuit, une période intérimaire de six ans devrait être suivie d'un vote sur l'autonomie du Sud. La paix conclue avec la province tenue par John Garang n'a pas pour autant réglé la question des autres rébellions qui secouent le Soudan, le plus vaste pays d'Afrique. Celle ouverte récemment dans l'Est et surtout celle du Darfour, dans l'ouest de l'Etat, ont déjà causé la mort de 180 000 personnes, entraîné le départ de 200 000 réfugiés vers le Tchad et obligé deux millions d'autres à vivre dans des camps de déplacés.
