Mort d'Elias Hraoui

Mort Elias Hraoui, ancien président libanais L'ancien président libanais Elias Hraoui est mort vendredi 7 juillet à l'âge de 80 ans et a été porté en terre dimanche dans sa ville d'origine, Zahlé, dans l'est du pays. Premier chef de l'exécutif après la fin de la guerre intestine qui a ravagé le pays du Cèdre pendant quinze ans (1989-1998), Elias Hraoui a également été le premier président à devoir à la Syrie la prorogation de trois ans de son mandat initial de six ans non reconductible, en vertu d'un bricolage constitutionnel. Son successeur, Emile Lahoud, a bénéficié lui aussi d'une prorogation. C'est à Elias Hraoui qu'était également revenue la tâche de remettre sur pied les institutions de l'Etat, qui avaient volé en éclats durant la guerre. Le bilan contrasté de sa présidence ne lui en vaut pas moins aujourd'hui l'hommage de ses anciens détracteurs, compte tenu de la conjoncture locale régionale et internationale qui prévalait alors et des tombereaux de reproches qu'une grande partie des Libanais adresse à son successeur. Son accession à la présidence, le 24 novembre 1989, s'était faite dans des conditions tragiques. L'avant-veille, le président élu deux mois plus tôt, René Moawad, avait été assassiné dans un attentat. Autres singularités de sa prise de fonctions : son élection, forcément agréée, voire voulue, par la Syrie, qui faisait alors la pluie et le beau temps au Liban, avait eu lieu dans un grand hôtel de Chtaura, dans la plaine de la Bekaa, et non au siège du Parlement, dans un pays encore déchiré par des conflits intérieurs. Toujours à cause des mini-guerres, il avait dû s'installer dans deux bâtiments provisoirement décrétés sièges de la présidence : une caserne de l'armée libanaise dans la Bekaa dans un premier temps, puis une villa de la partie occidentale de Beyrouth. Deux autorités se disputaient alors le pouvoir officiel : le général rebelle Michel Aoun, à qui l'ancien président Amine Gemayel avait confié le pouvoir au terme de son mandat et qui, installé au siège de la présidence de la République, croisait le fer avec l'armée syrienne, qu'il voulait bouter hors du pays, et le premier ministre en titre, Sélim Hoss, qui contestait la délégation de pouvoirs confiée au général Aoun. Elias Hraoui ne put s'installer à la présidence qu'après l'éviction du général Aoun par l'armée syrienne en octobre 1990. Habile manoeuvrier, rodé à la politique dès sa jeunesse - membre d'une famille engagée dans des fonctions diverses de la vie publique et lui-même ancien député -, fin renard disent quelques-uns, il connaissait l'art et la manière de pondérer certaines décisions syriennes relatives au Liban, sans contrarier Damas. Grâce aux liens personnels qu'il avait tissés avec feu l'ancien président syrien Hafez Al-Assad, il avait su redonner un certain poids à la communauté maronite, à qui revient la présidence de la République et qui était politiquement quasi anéantie par les échecs de ses chefs de guerre et de ses hommes politiques. Par ailleurs toujours fort de ses liens avec Al-Assad, il avait obtenu son agrément pour la désignation pour la première fois, en 1992, de feu Rafic Hariri aux fonctions de premier ministre. En dépit des liens personnels qu'il avait noués depuis des années avec ce dernier, ses relations politiques avec lui avaient toutefois évolué en dents de scie, selon la conjoncture et les intérêts de chacun. INGÉRENCES SYRIENNES C'est sous son mandat et conformément aux dispositions de l'accord inter-libanais de Taef qui, en 1989, a mis fin à la guerre libanaise, que les milices furent dissoutes et l'armée réunifiée. C'est également sous son mandat qu'ont eu lieu les premières élections législatives depuis 1972, les conflits inter-libanais ayant empêché pendant vingt ans l'organisation d'un tel scrutin. Quel que soit le jugement porté sur le fonctionnement des institutions officielles durant ses neuf années de présidence, compte tenu de la mainmise syrienne, elles ont au moins désormais le mérite d'exister. D'après ceux qui le connaissent, Elias Hraoui ne s'est jamais pardonné d'avoir promulgué en 1994 un décret autorisant la naturalisation des Libanais nés à l'étranger ou habitant le Liban et qui n'étaient pas encore détenteurs de la nationalité libanaise. Les ingérences syriennes, conjuguées aux pots-de-vin de certains hommes politiques et à la répartition intercommunautaire, ont entraîné des abus, dont certains ont été portés devant la justice, qui n'a pas encore tranché à ce jour. Se disant farouchement anticonfessionnel dans un pays bâti sur le partage communautaire, il n'a pas réussi à faire adopter un projet de loi introduisant le mariage civil au Liban.