Fin Fin du magasin Tower : La mort de Tower Records symbolise l'agonie du CD Fondé en Californie, à Sacramento, en 1960, par un passionné de musique, Russ Solomon, la chaîne de magasins de disques Tower Records va disparaître. En dépôt de bilan, elle a été reprise auprès du tribunal des faillites de Wilmington (Delaware) par le liquidateur Great American Group pour 134,3 millions de dollars, tandis que ses dettes dépassent 200 millions. Le juge a préféré cette offre, supérieure de seulement 500 000 dollars à celle de Trans World Entertainment, qui offrait pourtant de conserver certains points de vente. Les 89 magasins à l'enseigne jaune et rouge, présents dans 20 Etats des Etats-Unis, seront donc tous fermés avant Noël et les 3 000 employés licenciés. Le magasin le plus célèbre de Tower Records, celui de Sunset Boulevard, à Los Angeles, annonçait en 1969, lors de son ouverture, qu'il était "le plus grand vendeur de disques du monde connu - ouvert de 9 heures à minuit, 365 jours par an". Le bâtiment est déjà vendu pour 12 millions de dollars et un panneau sur la façade proclame désormais : "C'est la fin du monde tel que nous le connaissons", reprenant les paroles d'une chanson de REM. Triste fin pour un nom ayant symbolisé la révolution musicale des années 1960 et 1970. Au juge des faillites, Russ Solomon a expliqué qu'il était victime du déclin accéléré des ventes de CD, du téléchargement de la musique sur Internet, du succès de l'iPod d'Apple et, pour finir, de la concurrence de chaînes de supermarchés comme Wal-Mart. Cette banqueroute marque l'effondrement du modèle économique de la vente traditionnelle de disques dans un magasin. Une illustration des propos du directeur d'EMI Music Alain Lévy : "Le CD est en voie de disparition." Plus de 1 000 boutiques de ce secteur ont disparu depuis le début de l'année aux Etats-Unis. Tower a bien tenté de s'adapter : en 2000, son site était le numéro un des ventes en ligne de CD, mais il ne s'est mis au téléchargement qu'en juin 2006. Trop tard. La chaîne a été incapable, dans le même temps, de rester compétitive sur les prix, notamment quand la grande distribution, comme Wal-Mart, a fait des titres les plus vendus des produits d'appel. Même les cafés Starbucks vendent aujourd'hui de la musique : ils ont commercialisé plus de 800 000 exemplaires du CD de Ray Charles Genius Loves Company. UNE CLIENTÈLE NOSTALGIQUE Cette concurrence a laissé à Tower pour seuls clients les habitués et les experts, en nombre insuffisant, et qui en outre trouvent aujourd'hui sur Internet un choix plus vaste que dans les magasins. La société a une première fois déposé son bilan en 2004, parvenant alors à convaincre ses créanciers de la laisser continuer, avant de retomber en faillite le 20 août. Avant la naissance de Tower, les vendeurs de disques étaient des boutiques de quartier. La chaîne commercialisait les disques moins chers, jour et nuit, et surtout offrait un choix sans précédent. Les employés travaillaient pour Tower parce que cela leur plaisait et, souvent, étaient eux-mêmes musiciens. Quand il s'est ouvert, le magasin de l'East Village, à Manhattan, s'étendait sur trois rues. Dans les années 1980, il était la porte d'entrée aux Etats-Unis de la "nouvelle vague" européenne et le lieu de rendez-vous préféré des adolescents new-yorkais. A Londres, Tower Records était alors installé à Piccadilly Circus. Depuis, le magasin a été cédé à Virgin. Tower avait construit un réseau international à Hongkong, en Malaisie, au Japon, aux Philippines, en Irlande, en Israël, en Colombie, en Equateur et au Mexique. Il a été vendu et liquidé suite au dépôt de bilan de 2004. La fin de Tower signifie sans doute celle de quelques labels indépendants spécialisés et laisse les clients fidèles désemparés et nostalgiques. "Cela me rend triste", souligne Norman Greenberg, qui fouille frénétiquement dans les bacs d'un des quatre magasins à Manhattan, celui proche du Lincoln Center. Les amateurs peuvent encore trouver quelques affaires : une cassette de Van Halen pour 3,99 dollars et une réédition de l'album Never Mind the Bollocks, Here's the Sex Pistols pour 19,99 dollars avec 40 % de réduction. Depuis près de vingt-cinq ans, Greg Cotta fréquente le magasin de l'East Village et achète des albums de jazz et d'opéra. Il se dit "frustré, en colère et déprimé". Selon le New York Times, la chaîne représentait près de la moitié des ventes de musique classique dans la métropole. Ramsey Jones, qui tient la caisse au troisième étage dans l'East Village, se souvient que "les affaires ont longtemps été florissantes. Mais le téléchargement, la compétition des Virgin, Best Buy et autres Wal-Mart nous ont fait du mal. Les gens pouvaient venir ici et trouver tout ce qu'ils cherchaient. Ils pouvaient rester des heures dans les rayons et trouver quelqu'un à qui parler qui pouvait les aider à choisir, leur donner des conseils. Ils ne retrouveront plus l'étendue de notre catalogue".