Scandale Droits de l'homme Quand Londres torturait des Allemands Selon les archives du ministère de la Défense, un centre de détention britannique anticommuniste aurait existé près d'Hanovre. «Ce dossier contient des photographies de nature choquante.» L'avertissement est collé sur une chemise jaunie, extraite des archives du ministère de la Défense britannique et obtenue par le quotidien The Guardian grâce au Freedom of Information Act (lire ci-contre). Ces clichés témoignent des méthodes employées par les Britanniques pour obtenir par la torture des renseignements dans l'Allemagne occupée après 1945 par les Alliés. Le nord-ouest du pays était placé sous tutelle de Londres. Selon les archives du ministère britannique de la Défense qu'un autre quotidien, The Independent, avait commencé d'explorer l'été dernier, un programme de torture secret avait été mis en oeuvre dans un centre du MI5 (services secrets britanniques) à Bad Nenndorf, une ville thermale à l'ouest de Hanovre. Sur le même sujet Loi de transparence A savoir «On connaissait l'existence de ces camps» Echos Rideau. Installé à la fin de la guerre, à l'été 1945, ce centre aurait d'abord été le lieu de détention et de torture de membres du parti nazi, de SS et d'industriels allemands fidèles à Hitler. Puis, en 1946 et 1947, alors que le partage du monde en deux camps s'annonçait et que Winston Churchill dénonçait le rideau de fer qui descendait sur l'Europe, les forces britanniques auraient réorienté ce centre secret pour faire face à la menace soviétique, en y détenant des espions communistes, supposés ou réels. Privation de sommeil, entraves aux pouces et aux jambes, privation de nourriture, bains glacés, coups, blessures, engelures et orteils perdus, tortures à l'aide d'instruments récupérés dans un centre de la Gestapo à Hambourg : 372 hommes et 44 femmes auraient enduré à Bad Nenndorf les sévices du CSDIC, département du ministère de la Guerre. Après être passés par ce centre, certains prisonniers ont été transférés dans un hôpital militaire près de Brême ou dans un camp d'internement. Lorsque plusieurs dizaines de ces prisonniers émaciés, mourant de faim, ont été transférées en dehors du centre de torture, un officier d'artillerie et un médecin ont été heurtés par la situation. Leurs dénonciations ont conduit en 1947 à l'ouverture d'une enquête par Scotland Yard. Nombre des informations divulguées (dès décembre 2005) par The Guardian proviennent du rapport d'enquête que l'inspecteur Tom Hayward a rédigé à l'époque. Selon les documents rendus publics, un secrétaire d'Etat du gouvernement travailliste aurait alors écrit qu'aussi peu de gens que possible devaient être informés du fait que les autorités britanniques avaient traité des prisonniers «d'une manière qui rappelle celle des camps de concentration allemands». A l'isolement. Le jeune homme au regard hagard serait Heinz Biedermann, 20 ans, arrêté en octobre 1946 dans la zone d'occupation britannique parce que son père, qui vivait dans la zone russe, avait été identifié comme un «ardent communiste». Durant les quatre mois de son passage dans le centre secret, son poids est tombé de 70 kg à 45 kg. Maintenu à l'isolement, menacé d'exécution, il aurait été forcé à vivre et dormir, à peine vêtu, par des températures négatives. L'autre homme photographié, Gerhard Menzel, un étudiant de 23 ans, avait été arrêté par des agents des services secrets britanniques à Hambourg en juin 1946. De retour de Sibérie, où il avait été prisonnier de guerre, il était soupçonné d'être un agent soviétique. Durant son passage à Bad Nenndorf, il a subi la même perte de poids que Heinz Biedermann. Selon son témoignage, recueilli par l'inspecteur de Scotland Yard, il a été frappé, maintenu dans une cellule gelée et arrosé d'eau glacée. Un certain nombre de prisonniers seraient ainsi morts à Bad Nenndorf. Ce week-end, un responsable du parti libéral-démocrate a réclamé que le ministère de la Défense reconnaisse les faits et s'explique sur ces tortures. Hier, ledit ministère renvoyait à son homologue des Affaires étrangères pour tout commentaire. Lequel n'en avait guère davantage.