Annonce Droit d'auteur : deux amendements étendent le droit de copie privée à Internet Les députés ont poursuivi jusqu'à tard mercredi l'examen du projet de loi controversé sur le droit d'auteur avec une bataille de procédure menée par l'opposition de gauche soutenue pour la première fois par les centristes de l'UDF. Contre toute attente, peu avant minuit, les députés ont adopté deux amendements qui étendent à Internet les exceptions pour copie privée en prévoyant en contrepartie une rémunération des artistes. Cela reviendrait à autoriser le téléchargement de fichier sur Internet pour des usages non commerciaux. Le gouvernement devrait chercher à les faire écarter. Mercredi soir, l'Assemblée a adopté, contre l'avis du gouvernement, deux amendements identiques, présentés l'un par le député UMP Alain Suguenot et l'autre par les députés socialistes par un vote à scrutin public par 30 voix pour – dont 22 UMP – et 28 voix contre. Ces amendements modifient l'article premier du projet de loi, qui concerne les exceptions au droit d'auteur. En l'état, ils autorisent les copies pour des usages non commerciaux et donc le téléchargement par les systèmes pair-à-pair d'échanges de fichiers, de musique ou de films. Ce vote remet en cause l'architecture du projet de loi défendu par le ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, dont le cœur visait justement à légitimer les mesures techniques limitant les échanges de fichiers et à pénaliser le contournement de ces mesures. En réaction, le gouvernement devrait solliciter une deuxième délibération sur les amendements pour les écarter. Ce texte, qualifié de "liberticide" par le PS, suscite de multiples inquiétudes chez les internautes, les associations de consommateurs, les journalistes et les universitaires. Il divise aussi les partis. Les députés PS s'opposent à la secrétaire nationale chargée de la culture au PS, Anne Hidalgo, et au sein du groupe UMP, le texte ne fait pas l'unanimité. A minuit, les députés n'avaient entamé le vote que de quelques-uns des 250 amendements du projet, qui comporte 29 articles. LES PARTIS DIVISÉS La majorité UMP devait rejeter une motion de renvoi en commission défendue par les socialistes, malgré le soutien de l'UDF. C'est la première fois de la législature que l'UDF s'associe ainsi au PS. Présenté au conseil des ministres il y a deux ans, le texte est discuté en procédure d'urgence, avec une seule lecture par assemblée. "Nous ne pouvons pas accepter la manière dont ce débat est organisé – le texte traîne depuis quatre ans – sous le coup de l'urgence", a affirmé le président de l'UDF, François Bayrou. La mesure la plus controversée concerne la légalisation des mesures techniques de protection, visant à restreindre la copie de fichiers. Leur contournement est assimilé à un délit de contrefaçon passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende. "Ce texte touche à la vie quotidienne de millions de citoyens et au-delà à la survie de notre modèle culturel", a souligné Pierre-Christophe Baguet (UDF), pour qui il y a un "risque de renforcer la domination des grands groupes". Le PS a dénoncé un projet "dangereux, inadapté et lacunaire", "devenu le drapeau d'une croisade répressive" qui "verrouille Internet". Les amendements d'exception au droit d'auteur votés mercredi soir sont une victoire pour les défenseurs d'une licence "légale" ou "globale". Ce système vise à permettre aux internautes, moyennant le paiement d'un prix fixe mensuel, de télécharger librement des fichiers sur le Web. Au sein du PS, une telle licence ne fait pas l'unanimité : Anne Hidalgo a proclamé que le parti ne défendait pas officiellement cette proposition. Le président du groupe, Jean-Marc Ayrault, lui a répliqué en affirmant que la "licence globale" était défendue par "le groupe" dans son ensemble. L'UMP est aussi divisée sur ce texte, plusieurs députés se prononçant pour cette "licence légale", dont Christine Boutin qui a voté l'amendement légalisant le téléchargement sous condition de rémunération des artistes. Frédéric Dutoit (PCF) s'est alarmé d'un projet "destiné à protéger les oligopoles" qui présente "les internautes comme des délinquants" et "fait du verrouillage la condition de la protection de la culture". Martine Billard (Verts) a jugé que le texte allait "à l'encontre de l'esprit de liberté". Renaud Donnedieu de Vabres a dénoncé "ceux qui se complaisent en agitant les peurs et les leurres". Il a assuré que son texte donnait "un statut à la copie privée". "Nous définissons les termes d'une sécurité juridique qui va permettre l'émergence d'une multitude d'offres légales", a-t-il ajouté.