Mort de Douk Saga
Mort Douk Saga, artiste ivoirienStéphane Amidou Doukouré, artiste ivoirien, dit Douk Saga, est mort jeudi 12 octobre à Ouagadougou, au Burkina Faso, des suites d'une maladie pulmonaire. Il était âgé de 32 ans et avait contribué, en l'espace d'une vie vécue en accéléré, à réinventer la musique africaine en imposant, avec une poignée d'amis, le "coupé décalé", tout à la fois danse, style musical et style de vie.Douk Saga accumulait des surnoms qui n'étaient pas des plaisanteries, mais des instantanés des innombrables facettes de sa personnalité, réelle ou rêvée. Avant tout, il était "le Président", l'un des inventeurs en 2002 du "coupé décalé", un son né entre Paris et Abidjan, qui s'est épanoui dans la capitale ivoirienne.Douk Saga, qui disait être né dans une famille proche de l'ancien président Félix Houphouët-Boigny, comptait plus d'ombres que de lumière dans sa biographie. Dans une première vie, il avait grandi à Abidjan, et décroché un diplôme d'informatique. A peine entré dans la vie active, il avait vécu en spectateur inquiet, comme toute sa génération, le coup d'Etat, fin 1999, du "père Noël en treillis", le général Guéi, qui allait marquer l'ouverture du cycle des crises en Côte d'Ivoire. "Après ce coup d'Etat, l'incertitude commençait à planer avec les multiples licenciements abusifs. Il fallait prendre la clef des champs, avant qu'il ne soit trop tard", racontera, plus tard, Douk Saga.Le voici donc rapidement à Paris. Dans les boîtes de nuit africaines de la capitale française, triomphe un groupe de noctambules flamboyants, "la jet-set", qui va inventer des pas de danse, un vocabulaire et bientôt un genre musical auquel ils donnent le nom de "coupé décalé". La musique emprunte à plusieurs styles ivoiriens, mixe le tout avec des rythmes électroniques et des samples de ndombolo, la musique congolaise, qui tenait depuis dix ans le haut du pavé. La lame de fond, bientôt, envahit toute l'Afrique. Le "coupé décalé" érige la munificence en façon de vivre et impose un style. Douk Saga, "le sommet de l'Himalaya" - autre surnom -, se déplace avec des malles de costumes griffés, et célèbre le "travaillement", qui consiste à vivre et dépenser avec superbe en défiant les lois de la pesanteur de l'époque, voire les lois tout court.Dans la foulée de Douk Saga et des précurseurs de la jet-set, une génération de DJ ivoiriens de génie mixe les titres, et finit par composer ses propres oeuvres. Le "coupé décalé" va en apparence plus vite que la mort, chantant la vie effrénée en temps de dégringolade nationale. Dans une crise qui n'en finit pas, tout va si vite que les chanteurs, parfois, s'égarent, soutiennent les pires idées politiques, puis se rétractent. Douk Saga était l'un des princes de la nuit, d'Abidjan à Paris, refusant d'interrompre son régime de champagne et de cigares lorsque la maladie, atteignant sa gorge, l'empêchait de chanter. "Je suis un "bruitiste", je suis un "boucantier", et je mange la vie. Parce que, si tu ne manges pas la vie, la vie va te manger", disait-il en riant.