Mort de Dominique Levanti

Mort Dominique Levanti, correspondant de l'AFP en Haïti Dodo" n'aura pas eu le temps d'écrire l'ouvrage sur l'histoire d'Haïti qu'il nous promettait depuis des années. Correspondant de l'AFP depuis trente-quatre ans dans la petite république des Caraïbes, Dominique Levanti est mort d'un cancer, samedi 21 mai, à l'âge de 64 ans. Peu avant sa mort, il révélait à ses proches la première phrase de l'ouvrage qui ne verra jamais le jour : "Parmi toutes les turbulences libératrices de l'histoire de ce monde, la révolution haïtienne aura été la plus occultée." D'origine corse, Dominique Levanti s'était engagé, jeune, dans la Légion étrangère, avant de débarquer en Haïti en 1971, peu après la mort de François Duvalier, le dictateur sanguinaire connu sous le sobriquet de"Papa Doc". Conquis par ce bout d'Afrique ancré à l'est des Amériques, dont la culture avait fasciné André Breton, Dominique Levanti apprend rapidement le créole et devient correspondant pigiste de l'Agence France-Presse (AFP). Jean-Claude Duvalier, "Baby Doc", a remplacé son père. Les espoirs de démocratisation suscités par l'avènement de ce personnage falot sont de courte durée et les redoutables tontons macoutes continuent de faire régner la terreur. Au siège parisien de l'AFP, certains accusent Dominique Levanti, nommé correspondant permanent en 1979, de complaisance à l'égard du régime. Professionnel méticuleux dans la vérification de ses informations, il a sans nul doute fait preuve d'une grande prudence qui lui a permis d'éviter l'expulsion. Ses milliers de dépêches sans fioritures constituent la chronique la plus complète des trente dernières années de dictature et de"transition démocratique" inachevée. Au moment le plus dangereux de cette période ponctuée de sanglants soubresauts, les journalistes haïtiens se sont souvent abrités derrière ces dépêches. Agressé à coups de pierres au début de 2004, Dominique Levanti a plusieurs fois reçu des menaces de mort, surtout après que le régime de l'ex-président Jean-Bertrand Aristide eut à son tour basculé dans le despotisme. Tour à tour bourru et courtois, Dominique Levanti était d'une grande générosité. Il rêvait d'une Haïti pacifiée et évoquait volontiers des plans de développement. Au début des années 1980, il avait imaginé un projet touristique sur la plage paradisiaque de Labadie, au nord du pays, puis s'était lancé dans la production artisanale de cigares. Il avait construit un bungalow près de Jacmel, au sud du pays, où il se réfugiait le week-end avec sa jeune femme haïtienne et leur fillette Cardelina, prénommée comme sa grand-mère corse. C'est là, face à la mer des Caraïbes, qu'il a choisi d'être enseveli.