Procès Disparues de l'Yonne : Emile Louis devant les Assises L'ancien chauffeur de car comparaît à partir de mercredi à Auxerre pour l'assassinat de sept jeunes handicapées mentales disparues entre 1975 et 1979. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. C'est un procès fleuve qui s'est ouvert aujourd'hui devant les Assises d'Auxerre. Prévu pour durer jusqu'à la fin du mois de novembre, il devrait voir défiler une centaine de témoins et une douzaine d'experts. Voici les grandes lignes de l'affaire. LES FAITSAncien chauffeur de car, Emile Louis, 70 ans, est arrêté et incarcéré le 14 décembre 2000. Il est accusé d'avoir fait disparaître sept jeunes handicapées mentales âgées de 15 à 26 ans - Françoise et Bernadette Lemoine, Jacqueline Weis, Christine Marlot, Chantal Gras, Madeleine Dejust et Martine Renault - entre 1975 et 1979. Des filles qu'il transportait régulièrement à bord de son bus. LA PROCEDURELors de son arrestation, Emile Louis avoue rapidement avoir tué les sept disparues, se disant "possédé par un démon qui le poussait à agir les jours de pleine lune". Il donne des détails de ses actes et désigne aux enquêteurs le lieu où il a enterré les corps : au bord de la rivière Serein à Rouvray (Yonne). Un endroit où, jadis, il aimait à pêcher. L'indication d'Emile Louis est confirmée par la découverte quasi-immédiate de deux corps : celui de Jacqueline Weiss, disparue le 4 avril 1977 à l'âge de 18 ans, et celui de Madeleine Dejust, disparue en juillet 1977 à 21 ans. Mais en dépit de techniques d'exploration très poussées, les recherches restent vaines pour les cinq autres disparues. La faute aux mouvements de terrain dus aux changements du lit de la rivière depuis 1975, selon les enquêteurs. LE REBONDISSEMENTEn 2001, quelques mois après ses aveux, Emile Louis se rétracte. Expliquant avoir tout inventé parce qu'il pensait les faits prescrits, il accuse désormais un "réseau de prostitution" et affirme avoir vu des inconnus enterrer des femmes près de la rivière Serein.L'ENJEUEmile Louis sera-t-il dans le box des accusés mercredi ? Après une hospitalisation à la fin de l'été, sa présence à l'audience reste incertaine. Ses avocats devraient en outre demander un report du procès jusqu'à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme chargée de se prononcer sur un arrêt de la cour de Cassation qui a estimé que rien n'est prescrit dans ce dossier. Une requête qui aurait peu de chance d'aboutir. Ce procès pourrait permettre aux familles des victimes de connaître enfin la vérité sur le sort des cinq jeunes filles toujours disparues et, le cas échéant, de lever un coin du voile sur d'éventuelles complicités au sein de la nomenklatura locale. Pour Emile Louis, l'audience revêt une importance relative dans la mesure où il a déjà été condamné, en mars dernier par la cour d'assise du Var, à vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des deux tiers, pour les "viols avec actes de barbarie" sur sa seconde épouse et de sa belle-fille au début des années 90. L'ancien chauffeur de car a fait appel.LE PROCES DANS LE PROCESC'est peut-être le volet le plus attendu par l'ensemble des parties-civiles : au-delà du "cas" Emile Louis, la Cour devrait se pencher sur l'inaction, pendant vingt ans, de la justice auxerroise qui disposait pourtant, dès 1984, d'une enquête minutieuse menée par un gendarme, l'adjudant-chef Christian Jambert. Un document de travail qui sera classé sans suite, malgré ses accusations étayées contre Emile Louis. Pour l'instant, les multiples enquêtes sur l'affaire n'ont révélé que des négligences, voire de "l'indifférence" des institutions pour le sort de jeunes femmes dépourvues de famille proche et ont réduit à néant la thèse du "réseau". Une information judiciaire pour une présumée "corruption" au tribunal d'Auxerre s'est terminée par un non-lieu, de même qu'une procédure sur la gestion des foyers de handicapés.Les magistrats se pencheront également sur le rôle trouble des services sociaux de l'Yonne qui, croyant à des fugues, ne se sont jamais inquiétés du sort des sept jeunes femmes disparues. Des dysfonctionnements qui ne manqueront pas de mettre en avant le rôle primordial joué par l'Association de défense des handicapés de l'Yonne (ADHY) et des familles de victimes dans le déclenchement judiciaire de l'affaire. C'est en effet à la suite de ses plaintes que la cour d'appel de Paris a ouvert une enquête en mai 1997. Contre l'avis du parquet d'Auxerre.
