Disparition Disparitions en Tchétchénie : Human Rights Watch dénonce " un crime contre l'humanité"ls emmènent maman !" Des hommes, armés, cagoulés, ont fait irruption le 12 septembre chez Khalimat Sadoulaïeva, à Argoun, dans l'est de la Tchétchénie, et, sans explications, devant ses enfants et sa mère, l'ont forcée à monter dans une voiture. Depuis, elle est portée disparue.Khalimat, 38 ans. Mais aussi, Chamkhan Toumaïev, 23 ans, enlevé de même le 19 septembre chez lui à Valerik (Sud-Ouest). Rassoul Toutaïev, 24 ans, emmené par une dizaine d'hommes en uniforme le 22 octobre à Grozny, la capitale.... La liste est longue : l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) dénonce, dans un rapport sur la Tchétchénie publié lundi 21 mars, "des disparitions devenues si fréquentes et systématiques qu'elles constituent un crime contre l'humanité".Aucune des 1 800 enquêtes ouvertes au cours des cinq dernières années n'a entraîné de condamnation, et HRW accuse Moscou de donner implicitement son accord à ces pratiques. "Le gouvernement russe est parfaitement au courant du problème et de son ampleur, mais il n'a aucune intention d'amener les coupables devant la justice, et cela perpétue le cycle des violations", dénonce Rachel Denber, une directrice de HRW."La Russie détient le triste record de leader mondial en matière de disparitions forcées" - lorsque une "personne est arrêtée par des agents de l'Etat, que les autorités nient sa détention et cachent toute information sur son sort, de sorte que la personne ne bénéficie plus de la protection de la loi" -, ajoute le rapport.DE 3 000 À 5 000 DISPARUSEn Tchétchénie, les défenseurs des droits estiment que 3 000 à 5 000 personnes ont ainsi disparu depuis le début de la seconde guerre déclenchée à l'automne 1999.Ces enlèvements sont dans leur grande majorité perpétrés par les troupes fédérales - souvent, les hommes cagoulés arrivent dans des véhicules militaires et parlent un russe parfait - et, de plus en plus fréquemment, par les forces tchétchènes pro-russes subordonnées aux fédéraux.Contrairement aux assurances de "normalisation" sans cesse réitérées par Moscou, ils sont loin d'avoir diminué.Ils se sont même étendus à d'autres républiques du Caucase russe, comme à l'Ingouchie voisine. Et il règne dans la région une telle atmosphère d'arbitraire et d'intimidations que chacun "a même peur d'ouvrir à son voisin". La situation est aujourd'hui "pire qu'une guerre", disent les témoins de HRW.L'ONG, qui a effectué plusieurs missions sur le terrain cet hiver, détaille dans son rapport de 57 pages, témoignages à l'appui, 36 cas de disparitions récentes."Les soldats sont montés dans la chambre d'Adam Demelkhanov et sa mère a entendu un coup de feu", note un passage décrivant comment 30 militaires ont emmené le 7 novembre un étudiant de l'Université de Grozny, âgé de 21 ans. "Ils l'ont traîné par les pieds, tout le long de l'escalier. Je pouvais entendre sa tête frappant chaque marche", raconte un proche. Une traînée de sang le suivait, il était inconscient. Aucune nouvelle depuis.Le rapport détaille aussi l'enlèvement en décembre de huit parents (une soeur, des frères, une nièce, etc.) d'Aslan Maskhadov, le leader indépendantiste tué début mars. L'enlèvement de proches des séparatistes : une méthode de pression prônée par les milices tchétchènes pro-russes.HRW demande à la Commission des droits de l'homme des Nations unies d'adopter "une résolution pour condamner les disparitions forcées en Tchétchénie et exiger du gouvernement russe des mesures immédiates".Dénonçant aussi des exécutions sommaires et l'utilisation de la torture par les forces de l'ordre (de même que les "actes terroristes innommables" des séparatistes), elle demande à Moscou "d'inviter les instances de l'ONU à se rendre en Tchétchénie", et aux Etats membres de l'ONU de faire "pression sur la Russie afin qu'elle adresse ces invitations".
