Mort de Disparition

Mort Disparition du peintre Paul Rebeyrolle Il peignait à bras-le-corps, dans la matière, à même la matière, en puissance, détestait la peinture de petits sentiments mièvres, d'idées courtes, tonnait face à l'époque. Le peintre Paul Rebeyrolle, l'un des plus grands artistes contemporains, affaibli depuis plus d'un an, est décédé, lundi 7 février au matin, à Boudreville-en-Bourgogne (Côte-d'Or) à l'âge de 78 ans, a annoncé son entourage. Depuis un demi-siècle, Paul Rebeyrolle, né en 1926 en Haute-Vienne, créait des œuvres fortes et violentes, peintures hérissées de matière, bouts de bois ou grillages. .. [Pêcheur au gros avec Riopelle, homme des bois, reclus dans son atelier de Boudreville, sanglier aux manières courtoises, intraitable sur l'idée comme sur la peinture, Paul Rebeyrolle travaillait nuit et jour : à genoux, à plat, sans ménager le corps. Sartre et Foucault ont préfacé ses rétrospectives. Cheveux et barbe en bataille, visage ivre de sa vie vécue, sportif revenu de cinq ans cloué par le mal de Pott, musculature des chasseurs du néolithique, squelette de marcheur qui aura aimé les automobiles, la démarche bien bousillée par cinquante ans de peinture, il a promené doucement son regard sur le monde et les pièces qui en rassemblent un instant la densité, avec l'air de savoir. Eymoutiers, petite ville de la Haute-Vienne, lui a bâti L'Espace (1995) : pas plus musée que mausolée, demeure. A chaque installation, le maire, le personnel communal, les pompiers, les dames de la cantine, tout le monde s'affaire en faisant comme lui - pour le mieux. A Boudreville, les chasseurs savaient lui rapporter des branches, des squelettes de bêtes, des cailloux, des pots cassés : "Vous, vous saurez en faire quelque chose." Sa peinture hérissée de bouts de bois, de grillages, de serpillières collées, n'effraie plus que les conservateurs de musée. Autour de lui, de Marin, le facteur de châssis qui prépare ses toiles, à l'architecte de L'Espace, Olivier Chaslin, en passant par les passants ordinaires, tout le monde saisit sa démarche. PEINTRE À BRAS-LE-CORPS Il peignait à bras-le-corps, dans la matière, à même la matière, en puissance, détestait la peinture de petits sentiments mièvres, d'idées courtes, tonnait face à l'époque : "Celle-ci est plus sordide que toutes celles que j'ai vécues. L'économie tue directement, avec cynisme et volonté. Interstices de liberté ? La pratique de l'art, les liens entre nous, le travail à la fonderie. Le rapport à l'argent et la domination sans partage des Etats-Unis règlent tous nos modes de vie sur le dos des pays du tiers-monde. De ce point de vue, on est à certains égards tous des fascistes." A quoi croyait-il ? "A rien. A l'amour. Aux moments de joie intense de l'amour, le meilleur et le pire. La révolution, je n'y crois plus sous la forme des révoltés des bois. Le système est trop autophage. Je crois à la recherche des solutions. A la joie tous les matins au saut du lit de foncer à l'atelier : même quand ça ne marche pas." La céramique est là. Le feu a tenu ses promesses. S'il se remet à la peinture ? "Le plus vite possible. Il me faut décloner. J'ai recommencé à dessinoter ces jours-ci. Je me demande si je ne pense pas autant à la vie et aux conditions de vie des individus qu'à la peinture."]