Mort de Disparition de Hubert Curien
Mort Disparition de Hubert Curien, père de la fusée Ariane L'ancien ministre de la Recherche Hubert Curien, père spirituel de la fusée Ariane, est décédé hier à l'âge de 80 ans. Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin a exprimé hier soir «sa profonde émotion». «Engagé très jeune dans la Résistance, ce grand scientifique français, qui bénéficiait d'une renommée mondiale, était un homme de conviction qui savait dépasser tous les clivages dans l'intérêt national», souligne le communiqué du premier ministre. M. Curien était «un homme d'État, mais aussi un homme d'écoute et de dialogue», a déclaré le ministre délégué à la Recherche François d'Aubert dans un communiqué. Cet inlassable promoteur de la conquête spatiale et de l'Europe scientifique était encore membre du Haut Conseil pour la recherche et pour la coopération scientifique et technologique. Attentif à la transmission du savoir et au sort des jeunes chercheurs, cet homme affable et discret avait encore récemment accepté de présider un jury récompensant des lycéens. Reconnaissable à ses sourcils fournis qui lui donnaient un air bonhomme pompidolien, Hubert Curien a laissé un souvenir quasi unanime de son long séjour au ministère de la Recherche. Dans la communauté scientifique, il est encore fréquemment cité comme le ministre le plus apprécié des quatre dernières décennies. Hubert Curien était né à Cornimont dans les Vosges, le 30 octobre 1924. Fils d'un receveur municipal et d'une directrice d'école, il fait toute sa scolarité dans les Vosges, où il rejoint, dans sa vingtième année, le maquis de la Piquante-Pierre. Une faiblesse au genou héritée de son engagement actif dans la Résistance, décide le jeune Curien, à la Libération, d'intégrer Normale sup plutôt que Polytechnique. C'est sur les conseils du professeur Yves Rocard, père de l'ancien premier ministre, que le jeune physicien opte pour la cristallographie. Professeur à la Faculté des sciences de Paris, il entame une carrière de chercheur – il a découvert une nouvelle forme cristalline du gallium – sans jamais abandonner l'enseignement auquel il a toujours tenu. Très vite, il accède à des postes de responsabilité dans les grands organismes scientifiques français. De 1969 à 1973, il est ainsi directeur général du CNRS avant de bifurquer vers l'espace. En 1976, il est nommé président du Cnes, l'Agence spatiale française, avec pour lourde mission de réussir le premier tir de la fusée Ariane. Le 24 décembre 1979 restera pour lui l'un des meilleurs souvenirs de sa vie professionnelle, lorsque, dix jours après un faux départ très décevant, la première Ariane s'élève enfin dans le ciel tropical de Guyane. Raymond Orye, l'un des pères du programme Ariane, raconte (1) comment Hubert Curien participa ce soir-là à une improbable bataille de boules de neige équatoriale, à coup d'oxygène et d'hydrogène liquides échappés des réservoirs de la fusée. Façon pour ces grands gamins d'ingénieurs d'évacuer dix jours de tension et de fêter le succès tant attendu. C'est aussi en temps que président du Cnes qu'Hubert Curien (qui préside parallèlement l'Agence spatiale européenne, de 1979 à 1984) recrute le premier spationaute français, Jean-Louis Chrétien, pour sa mission avec les Soviétiques en 1982. Un jour où Ariane s'est de nouveau élancée dans le ciel avec succès ? «J'étais monté sur un tonneau pour dire quelques mots comme le veut l'usage, se souvint Hubert Curien (2). J'ai été accueilli par un tonnerre d'applaudissements. Laurent Fabius, qui devait constituer un nouveau gouvernement, s'est alors dit que s'il me suffisait de monter sur un tonneau pour être acclamé, je ferais un ministre très populaire.» De fait, Hubert Curien, sous les gouvernements Fabius (1984-1986) puis Rocard, Cresson et Bérégovoy (1988-1993), a, entre autres réalisations, permis à la France d'intégrer le grand programme international de séquençage du génome humain, et contribué à faire passer la part des dépenses de recherche et développement de 1,97% du PIB en 1981 à 2,42% en 1992. Toujours soucieux de rendre la science accessible au citoyen, il a été un précurseur de la Fête de la science, manifestation encore organisée chaque automne dans toute la France. Après la défaite des socialistes en 1993, cet homme sans engagement politique marqué, mais fidèle et loyal, présida (1994-1996) le conseil du Cern (laboratoire européen de physique des particules), la Fondation de France (1998-2000) et l'Académie des sciences (2001-2003).