Accident Deux cents personnes brûlées vives dans l'explosion d'un oléoduc à Lagos e détournement de pétrole directement sur les oléoducs est une pratique courante au Nigeria. Mais, cette fois-ci, le trafic a tourné au drame : entre 150 et 200 personnes, sans doute plus, ont été tuées, vendredi 12 mai, sur une plage de la banlieue de Lagos, la capitale économique nigériane et la ville la plus peuplée d'Afrique, avec quelque 16 millions d'habitants. Les trafiquants avaient dégagé le sable autour d'un pipeline et percé au moins six trous dans la ferraille pour pomper le carburant. C'est sans doute en essayant d'ouvrir d'autres orifices que le feu a pris, brûlant vives les centaines de personnes qui participaient à l'opération. Des images prises juste après la catastrophe montrent l'eau de la lagune bouillonnante et le ciel obscurci par un épais nuage de fumée noire. La plage d'Ilado, à seulement vingt minutes de bateau du centre-ville, a des allures de Pompéi : des cadavres ont été figés par la chaleur dans une expression d'horreur, d'autres statufiés en train de ramper dans le sable. Des plus proches de l'oléoduc, il ne reste que des squelettes blancs ou de petits tas de cendres qui se dissolvent dans l'eau de la lagune. La plupart des cadavres sont méconnaissables, mais les dépouilles laissent penser que les victimes sont essentiellement des hommes. Pour le chef de la police de Lagos, Emmanuel Adebayo, "les gens qui sont morts dans le brasier sont suspectés d'être des saboteurs de pipeline. Il ne reste personne pour dire ce qui s'est passé". Un peu plus loin, vers l'océan Atlantique, dans une clairière, des centaines de bidons noirs attendent, vides, semblant confirmer la piste d'une tentative de détournement de carburant. C'est la sécurité civile nigériane qui est arrivée d'abord sur les lieux. Rapidement, des jeunes de la Croix-Rouge ont commencé à faire le décompte des victimes. Une opération difficile, étant donné l'état des corps et la localisation de la catastrophe. "Beaucoup de gens ont dû essayer de se jeter dans l'eau, mais ils sont morts noyés ou des suites de leurs brûlures", indique l'un des volontaires. "C'est la faim et le besoin d'argent qui provoquent cela", estime un responsable de l'Etat de Lagos venu sur les lieux, avant d'ajouter : "Si vous n'avez pas de travail, vous avez faim, vous êtes prêts à tout pour nourrir votre famille." Beaucoup pensent également que la police était impliquée dans ce détournement. Paradoxalement, le Nigeria est le premier producteur de pétrole brut d'Afrique, avec 2,6 millions de barils produits chaque jour. Mais la majorité des 130 millions d'habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cette catastrophe est loin d'être la première du genre. On estime à 100 000 par jour le nombre de barils détournés. En 1998, plus d'un millier de personnes avaient été tuées dans les mêmes circonstances à Warri, dans le sud du pays, où est produit l'essentiel du pétrole nigérian.