Tendance Des "unes" au journal de 20 heures, l'offensive de Ségolène Royal La vague Royal n'est pas passée inaperçue. En une journée, jeudi 6 avril, le portrait de Ségolène Royal s'est affiché sur la couverture des hebdomadaires Le Nouvel Observateur, Paris Match, Le Point et VSD. Le même soir, elle était l'invitée du 20 heures de TF1, présenté par Patrick Poivre d'Arvor, avant de participer, mardi 11, au "Grand Journal" de Canal+. Au beau milieu de la crise sur le contrat première embauche (CPE), Ségolène Royal s'apprêterait-elle à franchir un nouveau cap dans sa médiatisation ? "Il y avait une actualité politique forte, très marquée par la crise à droite. Il était intéressant de donner la parole à la personnalité de gauche la mieux placée dans les sondages", explique Alain Genestar, directeur général de la rédaction de Paris Match. S'il souligne que la décision a été prise il y a une quinzaine de jours, l'interview menée par l'écrivain Jean-Marie Rouart s'est déroulée samedi 1er avril. "Le carambolage de couvertures", comme le qualifie M. Genestar, il ne l'a appris que "peu avant le bouclage". Alors que l'hebdomadaire titre en "une" sur "l'irrésistible ascension" de Ségolène Royal, Le Nouvel Observateur propose pour sa part de découvrir "ses idées, sa stratégie". Le magazine explique que l'actualité du CPE l'a obligé à décaler d'une semaine le dossier consacré à la candidate à l'investiture du PS pour 2007 dans lequel elle dialogue avec l'économiste Nicolas Baverez, l'écrivain Viviane Forrester et le directeur de la revue Esprit, Olivier Mongin. De son côté, Le Point a saisi le prétexte de la publication d'un livre écrit sur le couple formé par Ségolène Royal et François Hollande par deux journalistes, Marie-Eve Malouines et Carl Meeus, La Madone et le Culbuto (à paraître chez Fayard), pour faire également sa "une" sur Mme Royal. La direction de l'information de TF1 indique, quant à elle, avoir lancé son invitation en mars dans un souci d'équilibre après la venue sur le plateau du 20 heures du premier ministre, Dominique de Villepin. C'est l'entourage de Ségolène Royal qui a choisi de venir le 6 avril, assure-t-on à TF1. Interrogée d'ailleurs par Patrick Poivre d'Arvor sur cette intense campagne de médiatisation, Mme Royal s'est contentée de répondre qu'elle n'avait "rien sollicité". Enfin, s'agissant de l'émission de Canal+ présentée par Michel Denisot, "elle était arrêtée de longue date", affirme la chaîne cryptée. Ségolène Royal, qui a intégré la grande famille des Guignols début mars, sera reçue en même temps que l'humoriste et acteur Jamel Debbouze et la chanteuse Diam's. "Elle ne le savait pas à l'avance, mais elle a été ravie en apprenant que ces deux artistes, appréciés des jeunes, seraient sur le plateau", précise le service de presse de Canal+. La sortie simultanée de plusieurs "une" d'hebdomadaires correspond en tout cas à un appétit décuplé des médias pour celle qui fait figure aujourd'hui de favorite, à gauche, dans les sondages. De quoi doper encore la courbe du baromètre de TNS-Media Intelligence. Cet institut qui mesure le "bruit médiatique" des politiques a commencé à s'intéresser à Ségolène Royal en août 2005. A peine détectée par le radar de TNS, la montée en puissance a commencé. Le pic est atteint en janvier 2006. Sur la période qui s'étend d'août 2005 à mars 2006, la présidente de la région Poitou-Charentes figurait en septième position des personnalités politiques les plus médiatisées, alors devancée par deux dirigeants du PS, François Hollande et Laurent Fabius. Mais si l'on se concentre sur les trois derniers mois, elle brûle désormais la politesse à tous ses amis du PS et décroche la quatrième place, juste derrière les personnalités de droite Dominique de Villepin, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Depuis plusieurs mois, il est vrai, les médias se concentrent de plus en plus sur Ségolène Royal, en résonance avec les sondages qui se succèdent. La candidature de la socialiste a commencé progressivement à émerger dans la presse. Le 7 septembre, interrogée dans Le Monde, elle envoie un premier signal : "Toute annonce de candidature de ma part serait prématurée, dit-elle. On verra." Quelques jours plus tard, dans Paris-Match, où elle pose avec sa plus jeune enfant, Flora, 13 ans, elle va plus loin. A la question posée par Jean-Marie Rouart : "Vous vous sentez capable de battre Sarkozy ?", elle répond : "Oui, je m'en sens capable, lui ou un autre." Ces propos tombent au beau milieu des journées parlementaires, semant l'agitation parmi les socialistes. Petit à petit, le phénomène s'amplifie. En janvier 2006, sa visite de soutien à la candidate socialiste du Chili, Michelle Bachelet, élue depuis présidente de la République, installe durablement Mme Royal dans le rôle de la personnalité de gauche la plus en vue. Les médias étrangers s'y mettent. Ce sont désormais des journalistes de toutes nationalités qui assaillent son bureau à l'Assemblée nationale. Peu connue jusqu'ici hors des frontières françaises, Ségolène Royal connaît une spectaculaire progression en figurant sur un nombre impressionnant de couvertures de magazines et journaux européens. Des articles qui font parfois du bruit en France. En particulier, l'hommage rendu par la possible candidate socialiste à Tony Blair, dans le Financial Times du 2 février, qui n'a pas manqué de faire des vagues dans les rangs du PS. La boulimie pour les médias de Ségolène Royal ne fait aucun doute - ses photos sur son lit d'accouchée à la naissance de Flora, dans Paris Match, alors qu'elle était ministre de l'environnement du gouvernement Bérégovoy, avait suscité de nombreux commentaires. Mais elle ne délègue à personne le soin de gérer son image. Aucun communicant ne fait partie de l'équipe, réduite, qui travaille avec elle. "Je ne veux pas de gourou", répète Ségolène Royal. Seule, Nathalie Rastoin, directrice générale du groupe publicitaire Ogilvy, une amie de longue date, intervient de temps à autre. "Je ne suis en aucun cas son conseil en média, mais j'ai un engagement personnel", assure Mme Rastoin. Aux questions des journalistes, elle préfère le dialogue direct avec des lecteurs ou des intellectuels. Ségolène Royal a d'abord choisi de privilégier son image à travers la presse magazine, comme en témoignent ses nombreuses apparitions dans la presse féminine (Elle, Femme actuelle...), évitant autant que possible les entretiens politiques. "Le temps, répète-t-elle, de (se) préparer" sans rien précipiter. Sa méthode a abouti à attirer dans sa région de Poitou-Charentes les journalistes avides de l'interroger sur les dossiers économiques et sociaux. Pour bien marquer sa différence avec les autres candidats du PS, et incarner la rénovation qu'elle souhaite, Mme Royal a fondé une association, Désirs d'avenir, et ouvert un site Internet du même nom qui lui permet de rédiger un livre "interactif" d'un genre inédit. Avant sa sortie en librairie, prévue pour septembre, cet ouvrage sera mis en ligne chapitre après chapitre ; la version finale devrait intégrer les réactions des internautes. Une façon de vanter l'"expertise citoyenne" qui légitimerait son projet.