Annonce Des journalistes arabes poursuivis pour avoir publié les dessins du Prophète.Le monde arabe perd des plumes dans l'affaire MahometJihad Momani est en prison. Poursuivi par l'Etat jordanien pour «atteinte au sentiment religieux», il fait aussi l'objet de menaces de mort. La semaine dernière, ce journaliste jordanien, rédacteur en chef de l'hebdomadaire à scandale Shihane, avait publié trois des caricatures danoises controversées. Dans un éditorial intitulé «Musulmans du monde, soyez raisonnables», Jihad Momani s'était alors interrogé : «Qu'est-ce qui porte plus préjudice à l'islam, ces caricatures ou bien les images d'un preneur d'otage qui égorge sa victime devant les caméras, ou encore un kamikaze qui se fait exploser au milieu d'un mariage à Amman ?»Sur le même sujetNouveaux morts dans la colère musulmane«Crime injustifiable». Relâché dimanche, Jihad Momani a été réincarcéré dès le lendemain et avec lui Hicham al-Khalidi, rédacteur en chef d'Al-Mehwar, un tabloïd plus confidentiel, qui a lui aussi publié les dessins. Selon le chef d'inculpation retenu, les deux hommes risquent jusqu'à trois ans de prison. Mais, selon un journaliste jordanien désireux de conserver l'anonymat, «c'est aussi un moyen de les mettre à l'abri, tant la fureur est vive dans le pays». Manifestations, sit-in, la population jordanienne exprime chaque jour sa colère contre la publication de ces dessins qu'elle juge blasphématoires.Après que le roi Abdallah II a rappelé qu'insulter le Prophète était «un crime injustifiable», l'agence officielle jordanienne Petra a publié une lettre d'excuses de Jihad Momani, reconnaissant «une erreur grave commise involontairement». Avant son incarcération, le journaliste avait expliqué, devant le tollé, avoir voulu montrer ces caricatures «offensantes, mais loin d'être artistiques ou convaincantes», «pour que les gens sachent contre quoi ils se révoltent». Hier, les rédactions de Shihane et d'Al-Mehwar, à nouveau privées de leurs rédacteurs en chef, répondaient aux abonnés absents.Sur la sellette. A travers le monde arabo-musulman, les rares journaux à avoir publié les dessins incriminés sont aussi sur la sellette. Au Yémen, l'hebdomadaire Al-Horreya a été suspendu, et son rédacteur en chef mis en examen. Même cas de figure au Maroc pour le quotidien arabophone Al-Nahar al-Maghribia.En Egypte en revanche, pas un média ne s'est aventuré à reproduire les caricatures. La presse égyptienne n'a cessé de souligner les attaques blasphématoires de l'Occident. La Fédération des journalistes arabes, basée dans la capitale égyptienne, envisage de renforcer sa campagne «contre l'incitation à la haine envers l'islam et les musulmans». Bien que les caricatures aient été publiées il y a plusieurs mois, la presse égyptienne, d'ordinaire prompte à rebondir sur ce genre d'affaire, a attendu que la colère s'étende d'abord au reste du monde arabe pour souffler sur les braises.Apaisement. «L'Occident incendie le Coran», titrait hier un journal cairote. Seul le quotidien libéral Nahdet Misr appelait hier à la modération. Pour son éditorialiste, Mohamed Abdel Salam, les musulmans peuvent effectivement se sentir offensés par ces caricatures. Mais, explique-t-il, le temps est maintenant à l'apaisement. Rappelant que la presse et les autorités danoises ont présenté leurs excuses au monde musulman, Mohamed Salam invite ses lecteurs à abandonner les appels au boycott et les menaces. L'important, souligne-t-il, est avant tout de mieux connaître l'islam, afin d'éviter tout amalgame avec le terrorisme.
