Annonce Des incidents et de fortes pluies ont perturbé l'élection congolaise Le Congo, pays déchiré par une guerre de dix ans et où chacun va répétant que "rien n'est jamais assuré", pourrait sortir profondément divisé du second tour de l'élection présidentielle qui a eu lieu, dimanche 29 octobre, sous la protection de l'Organisation des Nations unies. L'organisation du scrutin relevait de la gageure dans un pays qui s'étend sur deux fuseaux horaires et compte 50 000 bureaux de vote, mais n'a plus guère ni Etat ni routes. A Bumba (province de l'Equateur), deux personnes ont été tuées au cours d'attaques qui ont visé 24 bureaux de vote et obligé à reporter le scrutin dans cette ville. Deux agents de la commission électorale ont par ailleurs été tués par un militaire à Dungu, dans la province de l'Ituri (Nord-Est). La victoire de Joseph Kabila (45 % au premier tour), favori des Occidentaux, contre Jean-Pierre Bemba (20 %), donnée pour certaine voici quelques mois, pourrait, si elle intervenait, ne pas être aussi triomphale que prévu. Il faudra attendre plusieurs jours, plusieurs semaines peut-être, pour que soit proclamé le résultat officiel de ce scrutin historique, premier du genre depuis quarante-six ans. IMPRÉVU CLIMATIQUE Mais les premières tendances disponibles, lundi 30 octobre au matin, tendaient à annoncer un score assez serré. Elles confirmaient, en outre, la large défiance dont M. Kabila fait l'objet dans la capitale, Kinshasa, situation propice au renouvellement des violences qui ont marqué l'entre-deux tours. Aux aléas d'une démocratie balbutiante - reports de voix incertains -, s'est conjugué un imprévu climatique - des orages torrentiels sur Kinshasa et sur l'ouest du pays -, pour brouiller les cartes et produire des effets ambivalents. Dans l'Est, la fatigue des ruraux assommés par la pauvreté et l'absence de campagne pour le deuxième tour auraient alourdi le taux d'abstention, et donc joué en défaveur de M. Kabila, auquel ces régions sont en principe acquises. Dans les provinces du Kasaï (centre), une participation en hausse jouerait en faveur de M. Bemba. Mais dans l'Ouest, terre d'élection de ce dernier, la pluie semble avoir refroidi les ardeurs de ses partisans. LASSITUDE ET SCEPTICISME Pluie pénétrante au dehors et électeurs rares à l'intérieur, tel était, en effet, le spectacle qu'offraient les bureaux de vote de Kinshasa, dimanche. A la ferveur du 30 juillet, jour du premier tour, a succédé une lassitude et un scepticisme liés aux irrégularités alors constatées. Le fait que certains résultats locaux n'aient pas été rendus publics centralement, empêchant la confrontation entre les chiffres relevés dans chaque bureau de vote et leur compilation nationale, a nourri ce malaise. "La pluie, c'est une bénédiction en Afrique. C'est une pluie voulue par Dieu car ce jour est historique", commentait Albert Saidi, 27 ans, un chrétien venu voter car il "aime la paix". Il prévient : "Si le résultat nous déplaît, nous irons manifester, pas pour piller mais pour exiger la vérité." La pluie, un signe du ciel ? Abel Mushobekwa, un fonctionnaire de 46 ans, se désespérait : "Ici, les gens votent pour le candidat qui leur a donné un T-shirt, et ils croient que Dieu décide à leur place. C'est l'Afrique !"