Annonce Des généticiens lèvent un coin du voile sur le chromosome X La biologie moléculaire vient de franchir une nouvelle et importante étape dans l'identification et la caractérisation des différences existant entre les sexes masculin et féminin. Une équipe de 285 généticiens, œuvrant dans 21 institutions européennes et américaines, annoncent ainsi, dans l'hebdomadaire Nature daté du 17 mars, avoir réussi la première analyse complète du chromosome humain X. La plate-forme de calcul "Décrypthon" Une plate-forme de calcul en réseau baptisée "Décrypthon" vient d'être lancée par le CNRS, l'Association française contre les myopathies (AFM) et IBM. Lors du Téléthon 2001, une première opération "Décrypthon" avait permis de réaliser une première base de données de toutes les protéines du monde vivant grâce à 75 000 ordinateurs individuels mis en réseau. La nouvelle plate-forme vise à accélérer la recherche en génomique et la compréhension des maladies génétiques. Elle sera composée de deux réseaux (grilles). Une grille "universitaire" avec des supercalculateurs des centres universitaires de Bordeaux-I, Lille-I, Paris-Jussieu, complétés par des serveurs offerts par IBM. Et une grille "d'internautes" qui pourra être activée dans un deuxième temps en fonction des projets scientifiques à venir. [-] fermer Dirigés par Mark T. Ross, Jane Rogers et David R. Bentley (The Wellcome Trust Sanger Institute, Cambridge, Royaume-Uni), les auteurs de cette publication expliquent notamment être parvenus à réaliser le séquençage de 99,3 % des 1 098 gènes présents au sein du chromosome X. La revue Nature publie, d'autre part, dans le même numéro, une étude dirigée par Huntington Willard et Laura Carrel (université de Pennsylvanie) portant sur le caractère "activé" on non de ces mêmes gènes du chromosome X. Ce dernier est présent en deux exemplaires chez la femme et à un seul exemplaire chez l'homme, dont le patrimoine génétique comporte, en outre, un chromosome Y. Avec 1 098 gènes pour 155 mégapaires de bases séquencées, le chromosome X apparaît comme étant l'un des moins riches en gènes codant pour des protéines. Parmi ces séquences codantes, près de 700 étaient déjà connues dont celle dirigeant la synthèse de la dystrophine, protéine directement impliquée lorsque le gène est muté, dans la myopathie de Duchenne de Boulogne. On a aussi déjà pu établir les liens existant entre plusieurs dizaines de ces gènes et les nombreuses affections génétiques réunies dans le groupe des maladies dites "liées à l'X". En dehors des zones codantes, le chromosome X apparaît constitué de séquences génétiques répétitives qui constituent près d'un tiers du chromosome. Ces résultats devraient fournir de nouveaux éléments pour retracer l'histoire de l'évolution de cette fraction du patrimoine génétique et des rapports qu'il a, au fil du temps, pu nouer avec le chromosome Y. On a longtemps admis que les différences existant entre l'homme et la femme ­ ou entre mâles et femelles ­ résultaient de l'expression de gènes présents sur le chromosome Y. On pensait, d'autre part, que, chez la femme, chaque cellule n'exprime que les gènes d'un seul de deux chromosomes X, les gènes du second semblant totalement et définitivement inactivés. Les nouvelles données qui sont publiées imposent, après d'autres établies ces dernières années, de revoir ce schéma par trop réducteur. L'équipe dirigée par Huntington Willard et Laura Carrel a travaillé sur les chromosomes X de 40 femmes à partir d'un système de culture de cellules hybrides permettant de calculer le niveau d'expression de 471 des 1 098 gènes de ce chromosome. Ils expliquent avoir découvert que la proportion des gènes qui échappent au phénomène d'inactivation est notablement plus élevée qu'on ne le pensait. Ces chercheurs estiment ainsi qu'environ 65 % des gènes du chromosome X inactivé ne s'expriment pas et que 15 % sont exprimés de manière systématique. Plus étonnant encore, ils observent que 20 % de gènes restants sont exprimés à différents niveaux, et seulement chez certaines des femmes dont ils ont étudié le patrimoine génétique. En d'autres termes, un quart des protéines codées par des gènes présents sur le chromosome X sont issues des deux copies de ce chromosome présent dans chaque cellule de l'organisme féminin. Cela signifie que les femmes ne diffèrent pas des hommes du fait de la seule absence d'un chromosome Y. Il faut aussi compter avec l'expression de deux copies, l'une d'origine maternelle et l'autre d'origine paternelle, d'un nombre non négligeable des gènes du chromosome X. On peut dès lors imaginer que cette plasticité génétique inattendue puisse expliquer certaines des particularités liées au sexe dans le développement de certaines affections et la réponse aux thérapeutiques. « Ces nouvelles données fournissent une première réponse à certaines questions soulevées depuis longtemps. On savait ainsi que la présence d'un seul chromosome X n'est pas suffisante puisqu'elle conduit à l'existence d'une affection dite syndrome de Turner, explique Jean Weissenbach (CNRS), directeur du Centre national français de séquençage (Genoscope). Un premier secret est levé mais il en reste un autre, de taille : celui des processus qui permettent d'obtenir l'inactivation des gènes. C'est l'une des importantes interrogations scientifiques d'aujourd'hui ; une question qui dépasse de loin l'espèce humaine et concerne l'expression des gènes chez tous les organismes eucaryotes."