Crise Des gangs brûlent les maisons de leurs "ennemis" à Dilivue de la montagne Lahane, la scène semblait "ordinaire", en milieu d'après-midi, lundi 5 juin. En bas, à Dili, capitale du Timor-Oriental, cinq fumées de moyenne importance s'élevaient de maisons désertées qui brûlaient. Sous le regard du grand Christo Rei de bronze qui se dresse sur un promontoire de la baie, un hélicoptère faisait la navette entre deux bâtiments de guerre australiens. Des gendarmes portugais patrouillaient dans des quartiers où les bandes de jeunes désoeuvrés incendiaient les maisons de présumés "ennemis".Soudain, un gros nuage noir s'élève, tout près de l'ambassade australienne. C'est la demeure cossue d'un négociant en carburants originaire de l'est du pays, qui a pris la fuite. Le patron de la firme PT Baucau avait eu la mauvaise idée de s'installer au milieu d'un quartier d'habitants originaires de l'ouest du Timor-Oriental, qui vivent dans des bicoques misérables. Une quinzaine de soldats australiens lourdement armés ne peuvent qu'interdire les approches du bâtiment en flammes."Alors ça sert à quoi tous ces militaires, ces fusils, ces chars ?", interpelle le chef traditionnel du "village urbain" local, maigre et âgé, torse nu et le ton un peu aviné. "De l'eau, c'est de l'eau qu'il faut !" Un soldat australien se fait traduire, et opine, impuissant. La brigade des pompiers de Dili s'est volatilisée. La police et l'armée est-timoraises n'existent plus que sur le papier.Devant la guérilla des maisons brûlées à laquelle se livrent des bandes de jeunes décidés à accentuer le clivage entre "Est-Timorais de l'Est" et "Est-Timorais de l'Ouest", la présence en ville d'un contingent international de 2 000 hommes équipés pour le combat de guerre - qui n'a pour l'instant tiré que quelques grenades lacrymogènes - paraît inadaptée. Pourtant, tout le monde a dit "merci" lors des premiers jours.La nuit, la ville est survolée par les hélicoptères australiens volant à basse altitude et ses rares avenues sont parcourues par des binômes de blindés à chenilles. "Ils doivent chercher les coupables", plaisante un homme d'affaires timorais. Le décalage avec la "menace" réelle est encore plus patent depuis que les militaires ont érigé des points de contrôle sur les routes principales. Miroirs passés sous les châssis des véhicules, ouvertures des coffres et, même, à un poste néo-zélandais, fouille méticuleuse du pauvre petit sac d'un vieillard ramenant son petit-fils à la maison, un poulet sous le bras.RETOUR PRUDENT À LA VIELes soldats étrangers fouillent toutefois aussi des groupes de jeunes gens pour leur confisquer des armes qui circulent depuis les troubles, jusqu'aux plus petites. "Je ne veux plus qu'il y ait un seul couteau hors des habitations", a ordonné le président Xanana Gusmao, qui a pris les pleins pouvoirs jusqu'à la fin du mois de juin. Néanmoins, on assiste à un début prudent de retour à la vie de cette ville, qui a perdu en deux mois jusqu'à 200 ou 300 habitations. Les boutiquiers d'origine chinoise ont été les premiers à rouvrir. Les commerçants indonésiens, réfugiés à Timor-Ouest (Indonésie), commencent à revenir. Pompes à essence et banques accueillent le client au compte-gouttes.Des bâches bleues ont été distribuées aux réfugiés. Dans leurs maisons abandonnées, les voisins viennent se servir. "Le marché est fermé depuis début mai, dit l'un de ces pillards. Il faut bien que je nourrisse les enfants et que je trouve du bois pour faire du feu !"
