Fin DÉLINQUANCE Les agressions d'agents de maintenance des distributeurs automatiques de billets sont en forte progression La nouvelle tendance du braquage : la prise en otage des «dabistes» Le crépuscule du braqueur n'est pas pour demain. Abandonnant les hold-up bancaires qui ne font plus recette, délaissant les attaques de fourgons faute de «caïds» aujourd'hui derrière les barreaux, trébuchant sur les nouveaux dispositifs de défense mis en place par les bijoutiers, les malfrats ciblent dorénavant les agents de maintenance chargés d'alimenter les distributeurs automatiques de billets (DAB). Alors que les vols à main armée, tous registres confondus, ont globalement chuté de 17% en 2003, puis de 6% au 31 août dernier, le nombre des braquages de dabistes a, lui, explosé depuis le début de l'année. Selon nos informations, pas moins de trente-six attaques ont été enregistrées entre janvier et octobre dernier sur l'ensemble du territoire, contre 22 en 2003. Sur la seule région parisienne, où sont concentrés le plus d'automates, les statistiques sont encore plus édifiantes. Les agressions des techniciens de maintenance ont été multipliées par sept dans la même période, passant de 4 à 28. «En civil et sans arme, ces dabistes ne transportent pas d'argent, explique le commissaire divisionnaire Hervé Lafranque, patron de l'Office central de répression du banditisme (OCRB). Leurs agresseurs jouent sur l'effet de surprise ressenti par des gens pourtant préparés à déjouer les pièges.» Employés par des sociétés de transports de fonds, les dabistes arrivent en voiture, scrutent les alentours à la recherche du moindre élément suspect avant de pénétrer dans un local technique desservant le distributeur de billets. Là, après avoir composé un certain nombre de codes et observé des procédures tenues secrètes, les techniciens alimentent l'automate en puisant dans un coffre relais où des convoyeurs armés ont préalablement transféré les fonds. C'est à l'entrée ou à la sortie que les dabistes sont pris en otages par des hommes cagoulés et armés qui exigent les codes et les clefs de coffres avant de disparaître avec des butins importants. «A plusieurs reprises, les malfaiteurs ont fait pression sur des employés en leur montrant des photos de leur famille prises devant leur domicile», explique le commissaire Hervé Lafranque. Les dabistes sont alors souvent contraints d'accompagner leurs ravisseurs lors de «tournées» où plusieurs distributeurs sont dévalisés en un temps record. Et sans qu'un coup de feu ne soit tiré. Ainsi, le 2 septembre, deux hommes masqués ont enlevé un employé de la Société générale d'Asnières dont ils ont vidé le coffre, puis conduit leur otage dans trois autres succursales du département. Ils ont ainsi raflé un butin global de 700 000 euros. Mardi dernier encore, deux employés chargés de l'approvisionnement des DAB ont été attaqués dans le XIXe arrondissement de Paris par deux hommes qui leur ont dérobé 450 000 euros enfermés dans onze cassettes. Une semaine auparavant, dans le XVe arrondissement, un autre dabiste avait été la cible de deux inconnus (butin 60 000 euros), tandis qu'Hassan Baouchi, un autre technicien de maintenance, était placé en garde à vue dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire. Employé de la Brink's âgé de 23 ans, il prétendait avoir été pris en otage le 1er mars dernier. Le butin (un million d'euros) qu'il disait avoir livré à ses ravisseurs, aurait en fait partiellement rejoint les caisses du Groupe islamique combattant marocain (GICM) (nos éditions de lundi dernier). Ce problème de fiabilité ne serait pas isolé car l'embauche des dabistes ne nécessite aucun agrément préfectoral. Ces employés – ils sont un millier en France – ne sont par ailleurs soumis à aucun contrôle du casier judiciaire, à la différence des convoyeurs de fonds qui, eux, travaillent avec un calibre à la ceinture. «Nos dabistes doivent signer un papier sur l'honneur affirmant qu'ils n'ont jamais eu de problème avec la justice», plaide un responsable d'une société de transports de fonds. Par ailleurs, les candidats ne se bousculent pas au portillon, en raison d'horaires jugés rebutants : les dabistes travaillent entre 6 heures et 8 h 30, avant l'arrivée des employés de banque, puis le soir, après le départ de la femme de ménage. Outre un renforcement manifeste de la protection de leurs salariés, les sociétés de transports de fonds misent sur des systèmes de protection passive (lire interview ci-dessous). Elles souhaitent aussi que le milieu bancaire investisse davantage dans la vidéosurveillance des quelque 50 000 automates actuellement déployés sur le territoire. Dans le nord de la France, théâtre d'une récente série d'attaques, l'installation de caméras a réduit le phénomène à néant.
