Procès De la Bretagne à Miami : l'affaire DickinsonUn "routard" du viol, des prélèvements génétiques généralisés, une extradition : l'enquête sur le meurtre de Caroline Dickinson, pour lequel Francisco Arce Montes est jugé à Rennes, est l'une des plus hors-normes de l'histoire judiciaire. Mis en ligne le 07 juin 2004 LES FAITSLe 18 juillet 1996, Caroline Dickinson, une adolescente anglaise de 13 ans en voyage linguistique en France, est violée puis étouffée dans la chambre qu'elle occupe à l'auberge de jeunesse de Pleine-Fougères, près de Rennes, en Ille-et-Vilaine. Des traces d'ADN sont retrouvées sur les lieux. La découverte va s'avérer capitale pour la suite de l'enquête.DE FAUSSES PISTESUn SDF, déjà condamné pour agressions sexuelles, est arrêté deux jours après le meurtre et avoue le 22 juillet. Mais le 6 août, il revient sur ses aveux avant d'être disculpé par des tests génétiques. Les investigations se poursuivent outre-Manche vers le groupe qui accompagnait la victime. Des prélèvements ADN sont effectués sur cinq adolescents britanniques. Ils sont tous négatifs.LE PIETINEMENT DE L'ENQUETEA l'exception d'un rapprochement avec une tentative d'agression dont a été victime une autre adolescente anglaise quelques heures avant le meurtre à une cinquantaine de kilomètres de Pleine-Fougères, les investigations n'avancent pas.En juillet 1997, les parents de Caroline Dickinson s'impatientent, parlent des "bourdes" de la justice française et demandent une campagne systématique de prélèvements ADN. Le juge d'instruction Zaug refuse. Mais à la mi-août, il est remplacé par Renaud Van Ruymbeke. Ce dernier met rapidement en place une "cellule" composée de trois gendarmes qui se consacrent uniquement à l'affaire. Des appels à témoins sont lancés dans les auberges de jeunesse.UNE PREMIERE JUDICIAIRESur ordre de la cour d'appel de Rennes, des prélèvements génétiques sont effectués entre le 10 et 12 octobre 1997 sur tous les hommes de Pleine-Fougères âgés de 15 à 35 ans. Vient ensuite le tour des 36-60 ans et des délinquants sexuels fichés de la région. Au total, plus de 4 000 échantillons sont recueillis. Aucun ne correspond à celui du meurtrier.UN PORTRAIT-ROBOTEn février 1998, des témoignages permettent de dresser le portrait-robot d'un homme aperçu en train de rôder près de l'auberge de jeunesse la nuit du crime. Plusieurs pistes sont étudiées après la diffusion du dessin. Elles ne donnent rien.UN SUSPECT ESPAGNOLDébut avril 2001, une liste de 48 "témoins" établit par la gendarmerie est rendue publique. Un quotidien anglais affirme alors qu'un Espagnol serait le suspect le plus sérieux. Le juge d'instruction Francis Debons, qui a remplacé Renaud Van Ruymbeke, relativise. Mais un policier américain, en voyage en Europe, lit l'article par hasard et fait le rapprochement avec un homme arrêté à Miami trois semaines plus tôt.FRANCISCO ARCE MONTES CONFONDULe 10 avril, les Etats-Unis annoncent que Francisco Arce Montes, âgé d'une cinquantaine d'années, a bien été interpellé le 13 mars à Miami. Le 11, il s'était introduit dans la chambre d'une cliente d'un motel situé sur Miami Beach avant de se masturber au-dessus d'elle.Deux gendarmes français s'envolent immédiatement pour la Floride. Francisco Arce Montes refuse de se soumettre à des tests ADN. Mais les enquêteurs récupèrent néanmoins un échantillon prélevé par leurs confrères américains. Le 14 avril, c'est le soulagement : l'ADN correspond sur 14 des 18 points de comparaison –9 sont nécessaires pour la justice.L'enquête montre que le suspect, repéré fin 1997, a déjà un lourd passé judiciaire pour viols et agressions sexuelles dans plusieurs pays européens. Il possède au moins deux passeports avec des noms différents et des cartes d'auberge de jeunesse de nombreux pays. Il vivait également en Bretagne avec une compagne française en 1996.LA PROCEDURE D'EXTRADITIONLa France la demande rapidement. Mais elle se révèle a priori plus complexe que prévu. Le suspect, qui refuse d'être extradé, doit en effet être jugé par la justice américaine pour attentat à la pudeur dans le cadre de l'affaire de Miami Beach. Dans un premier temps, le 19 juin 2001, l'extradition est néanmoins prononcée par un juge fédéral. Mais Arce Montes, qui a tenté de se suicider dans sa cellule, fait appel comme la loi le lui permet.Fin octobre, il est jugé devant un tribunal de Miami où il plaide non-coupable pour retarder la procédure. Son procès est alors reporté en juin suivant. Mais, le 19 novembre, à la suite d'intenses tractations diplomatiques et d'un tour de passe-passe juridique, la justice américaine renonce à le poursuivre. La manœuvre ouvre la porte de l'extradition, qui a lieu dans la foulée. Le 20 novembre 2001, Arce Montes est placé en détention provisoire à Fleury-Mérogis. Il est mis en examen le 23 novembre puis transféré à la maison d'arrêt de Rennes.DES AVEUX PARTIELSFrancisco Arce Montes commence par tout nier en bloc et conteste la régularité des prélèvements génétiques effectués aux Etats-Unis. Petit à petit, il craque. Il admet tout d'abord s'être trouvé dans l'auberge de jeunesse de Pleine-Fougères où Caroline Dickinson a été tuée. "J'ai dérapé. Je ne voulais pas sa mort" lâche-t-il en février 2002. En août 2003, après qu'une nouvelle expertise eut confirmé que son ADN correspondait à celle du meurtrier, il est jugé responsable de ses actes par les psychiatres.LE RENVOI AUX ASSISESEn octobre 2003, Francisco Arce Montes est finalement renvoyé pour "homicide volontaire sur mineure de moins de 15 ans accompagné, précédé ou suivi de viol". Au même moment, il est transféré pour des raisons psychiatriques et médicales à Fresnes (Val-de-Marne). Il a notamment menacé un gardien avec une fourchette.LE PROCESIl se tient au Parlement de Bretagne, siège de la cour d'appel de Rennes, où un chapiteau a été aménagé pour accueillir une assistance exceptionnelle. Il doit durer au moins jusqu'à vendredi, voire jusqu'au mardi 15 juin si les contraintes, notamment de traduction, l'exigent.
