Exposition Dans la chambre noire de Diane ArbusPHOTO Le Victoria and Albert Museum de Londres rend hommage à l'Américaine qui a renouvelé l'art de la photographie.LE REGARD de ses égarés du destin donne toujours la chair de poule. La photographie de Diane Arbus est «un secret qui parle d'un secret». Celui de l'altérité chez ses semblables. Celui de sa quête d'elle-même. Un secret qui se dévoile, un peu, à travers Diane Arbus Revelations, la plus grande rétrospective réalisée sur le travail de la photographe américaine au Victoria and Albert Museum de Londres. A Jewish Giant at Home with his Parents in the Bronx N. Y. 1970, Identical Twins, Roselle N. Y. 1967, Child with a Toy Hand Grenade in Central Park N. Y. C 1962, A Young Man in Curlers at Home on West 20th Street N. Y. C. 1966.Mais aussi certaines épreuves jamais montrées au public. Et un parcours conçu comme une exploration de sa chambre noire.Elle rassemble quelque 200 tirages parmi les plus importants venus de collections publiques et privées du monde entier. Avec bien sûr les plus célèbres, Diane Nemerov, née en 1923 dans une famille de la bourgeoisie new-yorkaise, collabore dans les années 40 avec son mari, le photographe Allan Arbus, dans leur agence de mode. Rien ne la prédestine à devenir une légende. Ses études aux côtés de Berenice Abbott et d'Alexey Brodovitch, l'influence de Sander et la rencontre en 1956 de la photographe Lisette Model lui montrent sa voie. Dès 1957 dans la chambre noire de son appareil s'impressionne une anthropologie de l'Amérique d'après-guerre. A New York, dans les parcs, les camps de nudistes, les bals masqués, les hôtels sordides, Diane Arbus part à la rencontre de ses doubles inavouables : tristes couples de la middle class, enfants aux attitudes adultes, personnages de foire, naturistes, prostituées, travestis, célébrités ridicules, nains, géants et autres «freaks» ou «junkies». Dans leur relation avec la photographe et le silence de la pose rituelle sous le flash en plein jour, ces êtres ordinaires d'apparence normale se racontent face à l'objectif. Sous l'illusion et le théâtral, ils laissent apparaître leurs failles, défaillances, déviance révélant la tragique poursuite d'une autre identité.D'un presque rien, maquillage trop lourd ou geste maladroit surgit le trouble mental, la vérité cachée. Diane Arbus sublime la réalité. Et dans sa chambre noire affective s'installe «le sentiment que c'est absolument unique. Il y a toujours pour moi un point où je m'identifie à eux». Au tournant des années 70 elle explore, pour la série Untitled, le monde des déficients mentaux dont les images rappellent ses plus anciens clichés comme Fire Eater at a Carnaval, Palissades Park, N. J. 1956, Child in a Nightgown, Wellefleet Mass. 1957 et Bishop by the Sea, Santa Barbara, Cal. 1964. Sublime exploration. Fatale aussi : elle se suicide en 1971.Lorsqu'elle disparaît Arbus influence déjà beaucoup ses confrères. Mais, publiée pour la première fois par Esquire en 1960, la photographe n'est connue du grand public que pour quelques-unes de ses meilleures oeuvres. Depuis, son aura ne cesse de grandir. Aujourd'hui cette rétrospective permet d'approcher sa personnalité de photographe et sa façon de travailler.Deux petites salles intimes invitent à pénétrer la chambre noire, mi-studio mi-labo, où Arbus développe ses idées, projets, clichés. S'y retrouvent amitiés, influences, auteurs favoris, photos préférées, références intellectuelles, visuelles ou mentales, engagements, carnets de notes, coupures de journaux et planches contact, cadrages. Tout ici éclaire sa démarche de photographe et cette puissance des images qui nous ébranle de sa pureté.n Victoria and Albert Museum, South Kensington, London SW7 2RL, jusqu'au 13 janvier. Tél. : 00.44.20.7 942 2000 (informations en anglais). Aller-retour en Eurostar trois jours-deux nuits, HMS Voyages : tél. : 01.44.69.97.40
