Annonce CORSE Les représentants des différentes communautés religieuses vont se retrouver aujourd'hui à Ajaccio L'imam de Sartène échappe à un attentat par balles Imam, évêque, rabbin : les représentants des différentes communautés religieuses représentées en Corse vont se retrouver aujourd'hui, à l'initiative du préfet de région Pierre-René Lemas, pour évoquer ensemble la dérive raciste, de plus en plus prégnante sur l'île. La tentative d'assassinat perpétrée ce week-end contre l'imam de Sartène constitue, selon un responsable policier «un clignotant rouge qu'il n'est plus possible d'ignorer. Une ligne a été franchie après les insultes et les attentats : certains ont prouvé qu'ils sont déterminés à tuer». Depuis samedi, les 150 fidèles qui fréquentent la mosquée de Sartène remercient Allah dans leurs prières : leur imam marocain, Mohammed el-Atrache, 53 ans, a miraculeusement échappé à la mort. Quand des inconnus ont criblé de balles, en visant à hauteur d'homme, la porte d'entrée du lieu de culte, le religieux se trouvait derrière. Dès le premier tir, l'imam a eu le réflexe de se plaquer à un mur alors que 10 balles de 9 mm traversaient la pièce. «La première balle est passée à 10 centimètres de moi et je me suis tout de suite écarté, explique Mohamed el-Atrache. J'avais très peur et en même temps, je n'ai pas compris pourquoi ils m'en voulaient autant. Je suis ici depuis 12 ans et je pense que c'étaient peut-être des jeunes un peu perdus.» Le religieux sait pourtant que, depuis quelque temps, un climat délétère se développe à Sartène comme dans la plupart des autres localités de l'île. L'année dernière déjà, des inconnus avaient tenté d'incendier la salle de prière très discrète dans laquelle il dispense ses prêches en aspergeant la porte d'entrée de substance inflammable. De la même façon, la grande croix gammée tracée à la peinture devant l'entrée du local à peine visible au rez-de-chaussée d'un immeuble de la vieille ville, n'est pas la première. «Il y en a déjà eu plusieurs depuis quelques semaines, surtout dans les rues où nos jeunes se réunissent et il y a aussi des insultes racistes «Arabi fora» (les Arabes dehors), qui reviennent aussi vite que la mairie les efface», assure cet ouvrier marocain, installé dans la région depuis le milieu des années 70. Cet attentat est très mal vécu par la communauté immigrée qui ne comprend pas. «On ne vit plus parce qu'on a toujours peur la nuit qu'ils nous tirent comme des chiens, affirme Mohammed, 52 ans. Le pire c'est pour nos jeunes. Ils sont nés ici, ils vont à l'école avec les Corses, ils ne connaissent même pas le Maroc et c'est ici qu'ils se sentent chez eux. Souvent, ils ont tendance à réagir comme les Corses. Mais on leur dit que s'ils commencent à riposter, ça sera encore plus dramatique pour tout le monde !» Parce qu'elles avaient peur des conséquences de cette croisade irresponsable menée par une poignée de Corses extrémistes, plusieurs familles ont déjà fait le choix de quitter l'île. «Et nous aussi, on y pense de plus en plus parce que la situation dérape», avoue Khadija, 42 ans, mère de 3 enfants. Malgré les rassemblements de protestation qui se multiplient sur l'île à l'initiative des associations antiracistes – 200 personnes se sont réunies samedi soir à Calvi pour protester contre cette dérive –, la classe politique et les pouvoirs publics sont impuissants à ramener la sécurité et à apaiser la communauté maghrébine qui représente près de 10% de la population insulaire.