Lancement Corot, satellite et chasseur d'exoplanètesL e satellite Corot a une dette envers les planètes extrasolaires. Si tout va bien, son lancement, prévu mercredi 27 décembre de Baïkonour (Kazakhstan) à bord d'une fusée Soyouz, peut lui permettre de commencer à la rembourser. Le petit engin, français à 70 %, ne doit rien de moins que sa survie à l'étude des astres qui sont en orbite autour de leur propre étoile, très loin de notre système solaire. Son histoire mouvementée ne tient qu'à l'essor de ce nouveau secteur de l'astronomie qui a bousculé bien des certitudes dans sa recherche d'un corps céleste semblable au nôtre, et abritant peut-être la vie. En 1995, Corot avait à peine germé depuis un an dans l'esprit des scientifiques et des ingénieurs du Centre national d'études spatiales (CNES) lorsque la première exoplanète autour d'une étoile semblable au Soleil fut officiellement signalée par les Suisses Michel Mayor et Didier Quéloz. Le satellite était alors principalement consacré à l'analyse des ondes sonores qui font vibrer les étoiles comme un pouls régulier, et seulement très marginalement à la recherche des planètes lointaines. Mais au fil du temps, les promoteurs de la mission ont appris à étoffer et à mettre en avant cet objectif plus accrocheur, pour résister aux multiples menaces de coupes budgétaires, voire d'enterrement pur et simple du projet.Onze ans plus tard, la chasse aux exoplanètes est devenue une discipline florissante, forte de plus de 200 découvertes, de programmes de recherches ambitieux, de couvertures de magazines, d'expositions et de conférences qui témoignent de la curiosité du grand public.Et pour Corot, sauvé par la popularité de cette cause et par le renfort de plusieurs agences européennes et de celle du Brésil, la perspective s'est radicalement inversée. L'analyse de la sismologie stellaire occupera la moitié de l'équipe (le satellite lui doit aussi deux tiers de son nom, qui n'a rien à voir avec celui du peintre puisqu'il abrège les mots COnvection, ROtation et Transits planétaires) et le même temps d'observation que les exoplanètes, mais elle est à peine mentionnée dans les communiqués. Que pèsent ces données, pourtant cruciales pour déterminer l'âge ou la composition des étoiles, face à ce fait qui associe la fierté de la France scientifique et l'intérêt des profanes : le CNES est en passe d'envoyer dans l'espace le tout premier chasseur de planètes extrasolaires, près de deux ans avant son premier concurrent américain, Kepler ?OBSERVATEURS AVEUGLESPour un budget modeste de 170 millions d'euros, Corot pourrait ainsi permettre à notre connaissance de ces astres lointains de franchir un nouveau palier. Sans rien changer à un amusant état de fait : le domaine de l'astronomie, qui jouit actuellement de la plus grande visibilité médiatique, est pratiqué par des observateurs qui ne voient rien de ce qu'ils cherchent. Les très rares images d'exoplanètes ont été prises dans la lointaine périphérie d'étoiles qui ne brillent pas. Pour toutes les autres, celles qui tournent autour d'astres semblables à notre Soleil, la difficulté est la même : une planète ne produit pas de lumière, elle se contente de refléter un peu de celle de son étoile.Vue de loin, de la Terre, en l'occurrence, cette lueur est noyée dans la luminosité intense de l'astre rayonnant. Un jour, les télescopes seront devenus assez puissants et précis pour opérer un tri entre les particules de lumière, les photons, émises par l'étoile, et celles de la planète.D'ici là, les astronomes ont transformé ce qui les gêne en allié. Ils savent forcer la lumière qui les aveugle à trahir la présence d'un ou de plusieurs compagnons. L'analyse de ses variations régulières peut ainsi révéler les évolutions de l'orbite d'une étoile, perturbée par l'attraction, faible certes, mais sensible, exercée sur elle par une planète voisine. C'est la méthode des "vitesses radiales" qui a permis de deviner la présence de la grande majorité des exoplanètes recensées à ce jour, y compris la première. Cette méthode, centrée sur l'interaction gravitationnelle entre les deux corps, permet de connaître la masse (du moins sa limite inférieure) de la planète et le temps qu'elle met à accomplir sa révolution autour de l'étoile (la période orbitale).A tâtons, elle a révélé l'existence d'une catégorie d'astres qu'aucun astronomen'avait prévue : des géantes gazeuses surchauffées parce qu'elles tournent très près de l'astre central, en quelques jours. Leur surreprésentation actuelle dans les statistiques ne signifie pas pour autant que ces "Jupiter chauds" soient majoritaires parmi les milliards de corps qui doivent accompagner les milliards d'étoiles de notre galaxie. Elle reflète un biais de la méthode, qui favorise les astres massifs et placés sur des orbites très courtes.D'ailleurs, au bout de onze années, les temps allongés d'observation et l'amélioration des techniques ont permis de détecter des planètes gazeuses aux masses plus proches de celles de Saturne ou Neptune. Avec le temps, les astronomes peuvent espérer commencer à percevoir des variations de longue durée dans la lumière stellaire, qui indiquerait la présence de planètes mettant plus d'une grosse dizaine d'années, comme notre Jupiter, pour boucler leur révolution.Les spécialistes peuvent aussi compter, depuis l'an 2000, sur une autre méthode. Cette étude des "transits" repose sur la chance qu'une planète passe entre son étoile et la ligne de visée de ses observateurs terrestres. Lors de cette traversée, le corps très peu lumineux provoquera comme une infime éclipse localisée. Il se comportera comme un petit rideau qui retiendra quelques photons émis par l'étoile. De cette diminution passagère, mais régulière, de la luminosité globale, les astronomes peuvent déduire la présence d'une planète, et son diamètre. Pour peu que la méthode des vitesses radiales puisse aussi être appliquée, les chercheurs croiseront masse et taille et obtiendront une donnée précieuse : la densité du corps détecté, qui peut permettre de commencer à fonder une science exoplanétaire de précision.
