Annonce constitution européenneFabius suspend son non à ChiracS'exprimant hier soir sur France 2, il a menacé de voter non au référendum sur le projet de Constitution européenne si le Président ne remplit pas ses conditions. aurent Fabius a fait «pschitt». Une prise de position claire de l'ancien Premier ministre pour ou contre le traité constitutionnel européen était attendue. Invité hier soir de l'émission Questions ouvertes sur France 2, il s'est contenté, en onze minutes, de faire un petit pas supplémentaire vers le non en déclarant : «Sinon, ça sera non.» Sinon quoi ? Conscient que le traité lui-même, qui doit être signé mi-octobre par les chefs de gouvernement à Rome, ne peut plus être modifié, Laurent Fabius a renvoyé la balle dans le camp de Jacques Chirac en lui posant des conditions sans lien direct avec le contenu du texte, mais plutôt avec celui de l'UE elle-même. Une manière pour lui d'essayer de rendosser le costume de «candidat naturel» du PS que lui contestent de plus en plus François Hollande et Dominique Strauss-Kahn. Et de couper l'herbe sous le pied de Lionel Jospin qui a promis de s'exprimer «le moment venu».«Réorientation». S'adressant «en Européen convaincu» aux Français «qui ne veulent pas de n'importe quelle Europe», Fabius a posé quatre conditions à une éventuelle approbation de sa part du texte lors du référendum annoncé pour 2005. Des «décisions» qui, selon lui, seraient significatives d'une «réorientation» de l'Europe en faveur de l'emploi. Elles concernent le pacte de stabilité, l'augmentation du budget européen, l'harmonisation fiscale avec les pays entrants en échange de l'obtention de fonds structurels - une proposition récente de Nicolas Sarkozy - et, enfin, la rédaction d'une directive européenne en faveur des services publics (lire ci-contre). Laurent Fabius a sommé le Président d'obtenir ces «exigences concrètes» d'ici le référendum. Si le chef de l'Etat n'arrive pas à convaincre les partenaires européens, «ma réponse sera non», a-t-il assuré, tout en refusant de se laisser entraîner trop vite vers un refus pur et simple. Chirac aura l'occasion de lui répondre lundi à Madrid, lors de la clôture du sommet trilatéral France-Allemagne-Espagne.Guerre ouverte. Pour Fabius, «le moment de vérité», c'est bien le «vrai» référendum, celui de Chirac. En aucun cas la consultation interne au PS que Hollande a promis d'organiser d'ici début décembre. En ignorant le calendrier du parti, en ne citant pas une fois le nom du premier secrétaire, Fabius a confirmé hier soir que la confiance avec le numéro 1 du PS était bel et bien rompue. Le premier acte de cette prise de distance s'est joué lors de l'université d'été du PS, à La Rochelle, quand Hollande a accéléré le calendrier du référendum interne au parti et laissé entendre qu'il pourrait être lui aussi candidat à la candidature présidentielle. Une déclaration de guerre aux yeux de l'ancien ministre de l'Economie. Une réponse à ses manoeuvres, répondent les partisans de Hollande. Cet attelage peut-il continuer à travailler ensemble ? Fabius a estimé hier soir que «le rassemblement [des socialistes] est encore possible»... autour de sa position. A charge pour le premier secrétaire d'intégrer les conditions exposées par le député de Seine-Maritime hier soir dans le texte qu'il entend soumettre à l'approbation des militants. Hésitation. Chez Hollande, on assure que la porte reste ouverte à des discussions. Mais derrière les demi-sourires que fabiusiens et hollandais se feront dans les jours qui viennent, l'atmosphère est plus que tendue. Reste que sa prestation a montré hier soir que Fabius hésite encore à franchir le pas pour endosser le costume de rassembleur d'un non de gauche mêlant des troupes aussi hétéroclites que celles du Nouveau Monde et du Nouveau Parti socialiste au sein du PS, et, au-delà, d'une partie des Verts, du PCF, des chevènementistes et de l'extrême gauche.
