Mort de Constant

Mort Constant, membre fondateur du groupe Cobra L'artiste néerlandais Constant Anton Nieuwenhuis, dit Constant, est mort lundi 1er août à Amsterdam, des suites d'un cancer. Né le 21 juillet 1920, il était un des membres fondateurs du groupe Cobra puis de l'Internationale situationniste. Après des études d'artisanat d'art commencées en 1938, Constant peint des tableaux influencés par le cubisme, mais aussi l'expressionnisme allemand. Sa rencontre avec le Danois Asger Jorn, en 1946, le conduit à chercher d'autres moyens d'expression, au départ assez inspirés de Miro, dont il a vu des oeuvres à la galerie Pierre Loeb, à Paris. Il s'essaie également à la sculpture avec des assemblages de bois et de fil de fer. Avec Corneille et Appel, eux aussi à la recherche d'une peinture libre et spontanée, il crée l'Experimentele Groep de Hollande. Il en a raconté les circonstances à Willemijn Stokvis, auteur d'un monumental ouvrage consacré à Cobra (Gallimard). Officiellement, le Groupe expérimental a été créé le 16 juillet 1948, au domicile de Constant, qui rédige un manifeste. "J'avais pour idéal un mouvement d'avant-garde, dans l'esprit des avant-gardes d'autrefois, avec des prises de position et des déclarations proclamées à la face du monde." Dès le début, le groupe prend contact avec des associations équivalentes dans d'autres pays et renforce les liens déjà établis avec le Surréalisme révolutionnaire. C'est dans ce contexte, et à la suite d'une rencontre à Paris de différents mouvements d'avant-garde, que naît le groupe Cobra (COpenhague, BRuxelles, Amsterdam), en novembre 1948, dans un bar du quai Saint-Michel. Y est signé un manifeste dirigé contre André Breton et le tour mystique dans lequel s'engageait, selon les protestataires, le surréalisme parisien. Auprès des poètes Christian Dotremont et Joseph Noiret, noyaux durs du Centre surréaliste révolutionnaire belge, étaient réunis les peintres Asger Jorn, représentant le Groupe expérimental danois, Appel, Corneille et Constant, pour le Groupe expérimental hollandais. Cobra eut plusieurs expositions (Copenhague en 1948, Bruxelles en mars 1949), dont la plus connue eut lieu en novembre 1949 au Stedelijk Museum d'Amsterdam. Le scandale qu'elle provoqua faillit coûter sa place à son directeur, Willem Sandberg. La dernière exposition se tint à Liège, en octobre 1951. Mais, malgré une dynamique exceptionnelle et une solidarité esthétique se manifestant jusque dans la réalisation d'oeuvres collectives, des dissensions apparurent, qui provoquèrent la même année l'éclatement du groupe. La plus personnelle d'entre elles concerne Constant et Jorn, l'épouse du premier ayant décidé de refaire sa vie avec le second. En 1953, Asger Jorn fonde le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (MIBI), qui s'opposait au New Bauhaus d'Ulm dirigé par l'artiste abstrait géométrique Max Bill. Proche du mouvement italien Arte Nucleare d'Enrico Baj, il s'installe à Albisola, près de Gênes, où se retrouve ce que l'Europe compte d'avant-garde. Dont Guy Debord, avec lequel le MIBI se transforme, en juillet 1957, en Internationale situationniste. Depuis 1950, en retrait de Cobra, Constant vit à Paris, dans des conditions plus que précaires. Le thème de la guerre envahit son travail et ne le quittera plus : "Oui, les sujets sont politiques, confirmait-il au Monde (16 juin 2000), et ils l'étaient déjà au moment de Cobra. C'est certain. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Ce qui m'inspire, ce sont les journaux de tous les jours, les photos, la télé. Aujourd'hui un drame, le lendemain un autre..." La ville l'inspire également, Paris, mais aussi Londres, où il séjourne en 1952. Mais une ville mécanisée, inhumaine. Ses idées, ses travaux pour un "urbanisme unitaire" sont à la base du congrès d'Alba de septembre 1956. PROJET NEW BABYLON C'est aussi en Italie que, pour des Gitans accueillis par l'artiste Pinot Gallizio, Constant imagine un projet révolutionnaire, point de départ de New Babylon, qui eut une influence considérable sur la génération des jeunes architectes des années 1960, comme le groupe Archigram. C'est un monde nomade, une ville-labyrinthe en transformation permanente. "New Babylon, écrit Constant, ne s'arrête nulle part (puisque la Terre est ronde), elle ne connaît point de frontières (puisqu'il n'y a plus d'économies nationales), ni de collectivités (puisque l'humanité est fluctuante). Tout lieu est accessible à chacun et à tous. La Terre entière devient la demeure des Terriens." Il le concrétise sous forme de maquettes arachnéennes qui firent l'objet d'une nouvelle présentation remarquée à la Documenta de Cassel, en 2002. En 1960, Constant s'éloigne du situationnisme et, s'il poursuit New Babylon jusqu'en 1969, il reprend une pratique plus classique de la peinture. Montrée en France lors d'une rétrospective au Musée d'Antibes en 2001, cette dernière phase de son oeuvre, à ses yeux essentielle, a ses détracteurs, dont l'auteur de ces lignes (Le Monde du 28 juillet 2001), et ses défenseurs fervents, dont le critique Jean-Clarence Lambert, qui a consacré à l'artiste pas moins de cinq livres, tous publiés depuis 1992 aux éditions du Cercle d'art.