Annonce Collections haute couture printemps-été 2005Lacroix et la manièreDéfilé tête haute malgré l'annonce au moment même de la vente de sa griffe ; raffinement Pompadour et légèreté chez Chanel. 'ambiance était étonnamment calme, hier, dans les coulisses du défilé Lacroix. Le couturier n'avait rien changé à son programme malgré l'annonce, au même moment, de la vente de la maison par LVMH au groupe Falic, trois frères américains d'origine libano-russe connus pour leur savoir-faire dans le duty free plus que dans la mode. «C'est un mariage à l'orientale, glissait Christian Lacroix quelques minutes avant le show. Je ne connais pas très bien le marié.» Plus sérieusement, il expliquait «n'avoir reçu que des promesses verbales» de la part des repreneurs de «perpétuer la couture», département qui ne peut exister, dit-il, que sous son autorité. Egalement vendus, le prêt-à-porter, les accessoires et le parfum pourraient continuer sous son nom mais sans lui. Et Christian Lacroix de regretter de «n'avoir jamais eu, chez LVMH, un encadrement capable de comprendre [ses] créations, de les commercialiser aux bonnes personnes, aux bons moments». Quand à l'énorme différence de traitement qui existait entre lui et John Galliano chez LVMH, il note que «Dior s'appuie essentiellement sur les accessoires et les parfums, cette dernière branche ayant été délaissée il y a des années chez Lacroix». Et d'expliquer qu'il va «maintenant discuter avec les Falic, en mettant un peu plus de verrous pour disposer de la structure dont [il] rêve». Il dit ne pas savoir s'il peut vivre sans la haute couture. «Il faudrait que j'aie fait une fois l'impasse sur une collection.» Réponse trente minutes plus tard à l'issue du défilé à l'Ecole nationale des beaux-arts : Leon Falic déclare que «la haute couture est une activité qui sera poursuivie».Chignons bananes. Loin d'un requiem ou d'un best-of, c'est une «version 2005 de My Fair Lady transportée aux Indes Galantes» que le couturier a présentée. Soit trente-neuf modèles dont ces femmes-fleurs aux chignons bananes tressés et renversés, nimbées d'étoffes travaillées avec tant de souplesse qu'elles donnent parfois la berlue. Par exemple cette longue camisole du soir en organza et crêpeline couleur jade qui bouge autour du corps avec un effet de flou à cligner de l'oeil, ou le gilet en maille à col de plumes blanches qui bientôt découvre une robe en dentelle chantilly couleur chair avec son jupon de plumes, donnant au mannequin des allures de cygne. Lacroix fait aussi claquer un coquelicot (la courte robe bustier «diabolo» en tulle plissé), du mauve (sur l'Anglaise rousse aux airs d'héroïne de manga Lily Cole), de l'orangé (une parka en taffetas «crevette»). Les lumières s'éteignent pour laisser flotter sur la salle des milliers de bulles lumineuses distribuées par de grosses boules à facettes : disco night aux Indes. Et le couturier d'apparaître, éclatant, en costume vermillon sous l'ovation du public... On appelle ça sortir la tête haute.Angelots. Dans la matinée, c'est un jardin à la française, tracé au cordeau, qui servait de cadre au défilé Chanel. Entourée de quatre faux arbustes coupés en boule, une fontaine siglée Chanel. C'est sur une épure classique mais légère, sans jamais tomber dans l'hommage, que s'est appuyé Karl Lagerfeld. Ses mannequins Pompadour défilent casqués de plumes blanches, des sourcils charbonneux leur dessinant des figures d'angelots ; un raffinement fragile rehaussé par des bracelets et des broches en porcelaine. Et comme on n'est pas dans l'aile Sully du Louvre c'est sur LCD Soundsystem, la coqueluche electro-rock du moment, que se présente cette assemblée de garçonnes en petits marquis. Les tailleurs sont en tweed, bien sûr, mais poudrés rose et gris et actualisés par des ceintures taille basse. Pour le final, 280 camélias semblent comme des boules de coton déposées sur la robe de mariée. Décidément romantique.
