Mort de Colette Gibert Thomas Colette Gibert Thomas

Mort Colette Gibert Thomas Colette Gibert Thomas, la dernière des trois "filles de cœur" d'Antonin Artaud, est morte mardi 10 octobre, à l'âge de 88 ans. Avec Paule Thévenin (disparue en 1993) et Marthe Robert (en 1996), Colette Gilbert, qui vivait retirée sur la Côte d'Azur, fut un témoin privilégié, mais définitivement silencieux, de l'auteur de L'Ombilic des limbes. Née en 1918, étudiante en philosophie et comédienne (elle avait suivi les cours de Charles Dullin et de Louis Jouvet), elle rencontra, chez Gabriel Marcel, les jeunes Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty et Jean Wahl, qui tombèrent sous le charme de cette jeune fille "extrêmement gracieuse", selon Ernst Jünger. En avril 1942, elle épousa l'écrivain Henri Thomas ; elle est la Lucie éperdue du roman de ce dernier, Migrateur (Gallimard, 1983). C'est à ses côtés qu'elle fera la rencontre, décisive pour elle, d'Antonin Artaud, à l'hôpital psychiatrique de Rodez, en mars 1946. Le 7 juin 1946, lors de la mémorable séance au Théâtre du Châtelet, organisée par ses amis pour aider matériellement Antonin Artaud à reprendre pied à Paris, Colette Gibert Thomas monta sur scène. Le jeune poète Jacques Prevel nota dans son Journal : "Et Colette Thomas, en transe, dit un texte inédit. Sa bouche martèle les mots. Elle a travaillé avec Artaud. C'est Artaud qui parle. Eclair magnésium et obscurité. Cette voix tremble et vibre, fantastique. Applaudissements et bravos. Elle est rappelée plusieurs fois." (En compagnie d'Antonin Artaud, Flammarion, 1974 et 1994). Artaud, qui la portraitura torturée (Dessins et portraits, Gallimard, 1986), était "ébloui", selon André Berne-Joffroy. Tellement ébloui qu'il parla de son "épouvantable lucidité" et qu'il la voulut probablement plus pure qu'elle n'était : "J'extirperai de Colette l'ange criminel, il existe." La mort d'Antonin Artaud, en mars 1948, accompagna une descente dans la folie, commencée dès les lendemains de la guerre, aggravée peut-être par la séparation d'avec Henri Thomas en 1946, puis par le départ de celui-ci pour Londres... En 1954, cependant, elle publia, sous le pseudonyme de René, un récit, à la fois fascinant et étrange, Le Testament de la fille morte (Gallimard, aujourd'hui épuisé). "Aimer, c'est haïr les autres. Faire l'amour, c'est les trahir", écrit-elle. Et aussi : "L'être de la femme connaît la mort, et son devenir connaît la vie." Elle a également traduit de l'anglais divers ouvrages et le roman autobiographique de Naomi Levinson, Les Chevaux de bois d'Amérique (Julliard, 1954).