Nouveau/elle CLIMAT Le traité ratifié par 141 pays mais rejeté par les états-Unis, premier pollueur, ne suffira pas à limiter la hausse des émissions de gaz à effet de serre Le protocole de Kyoto entre en vigueur aujourd'hui Le protocole de Kyoto va imposer à trente pays industrialisés de réduire de 5,2%, entre 1990 et 2012, leurs émissions de gaz à effet de serre, jugés responsables du réchauffement de la planète. Huit ans ! Il aura fallu huit ans pour que le protocole de Kyoto, cet accord international visant à lutter contre le changement climatique signé en 1997, entre enfin en vigueur, après avoir été ratifié par 141 États dont trente pays industrialisés. La communauté internationale, qui n'y croyait plus, va célébrer aujourd'hui l'événement aux quatre coins de la planète. A commencer par le Japon, où le texte a été signé et où aura lieu la principale cérémonie, en présence notamment du Prix Nobel de la Paix 2004, la Kenyane Wangari Maathai. Les 340 ONG écologistes regroupées au sein du Réseau action climat devraient, quant à elles, exprimer leur liesse en déployant un ballon gonflable près du Reichstag à Berlin, en faisant à vélo le tour des ambassades des pays ayant ratifié Kyoto à Lisbonne ou en manifestant à l'adresse des États-Unis devant la statue de la Liberté à Paris. Car ses ardents défenseurs peuvent souffler : Kyoto l'a échappé belle. Cloué au pilori par les États-Unis en mars 2001, défendu bec et ongles par l'Europe, il ne doit sa survie qu'au bon vouloir de la Russie (17% des rejets de gaz à effet de serre des pays industrialisés) qui a fini par le ratifier en octobre 2004. Le texte ne pouvait entrer en vigueur que si les pays industrialisés le ratifiant représentaient au moins 55% de ce volume d'émissions. Le protocole de Kyoto va imposer à trente pays industrialisés de réduire de 5,2%, entre 1990 et 2012, leurs émissions de gaz à effet de serre, jugés responsables du réchauffement de la planète. A défaut de tenir leurs engagements, les signataires pourront faire l'objet de sanctions à l'issue de la première période du protocole, en 2012. L'État fautif devra au cours de la période suivante remplir ses obligations, assorties d'une pénalité de 30% supplémentaires. Un système de contrôle sera adopté à cet effet à la première conférence de mise en oeuvre des parties qui se tiendra à Montréal en novembre 2005. L'entrée en vigueur devrait également donner le coup d'envoi des différents mécanismes prévus par le protocole, comme les «Bourses du CO2» ou les transferts de technologies des pays industrialisés vers les pays du Sud. Pourtant, cet outil, appelé de ses voeux par la communauté internationale, est largement vidé de son efficacité avec la défection américaine, qui représente 40% des émissions des pays industriels et 21% des émissions mondiales. Aussi l'Europe va-t-elle s'efforcer de ramener Washington à la table des négociations, lors de la visite de George Bush à Bruxelles pour le sommet Europe/États-Unis le 22 février. Sans compter que cet outil ne suffira guère à enrayer une machine emballée. Car les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient augmenter de 60% entre 1990 et 2010, prévoit le Giec (le groupe d'experts affilié à l'ONU). La plupart des pays industrialisés ne parviendront en effet pas à tenir leurs engagements, les rejets polluants dérapant dangereusement. Nombreux sont ceux qui, à l'instar de l'ONG Les Amis de la Terre, voient donc dans le protocole de Kyoto «un premier pas, modeste, vers la prise de mesures drastiques pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre». Et de nombreuses voix s'élèvent pour appeler à un durcissement du protocole au cours de la seconde période d'engagement (2013-2017), afin d'«empêcher toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique», comme le prévoit la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signée à Rio en 1992, à l'origine de toute cette architecture. «Pour contenir le réchauffement en deçà de 2° C, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 75% d'ici à 2050», explique Laeticia de Marez, chargée de campagne à Greenpeace France. Pourtant, la semaine dernière, la Commission européenne a refusé de chiffrer ses futurs objectifs de réduction d'émissions polluantes, après 2012. Surtout, l'épineuse question de l'engagement des pays en développement – à commencer par la Chine et l'Inde – non concernés par les obligations contraignantes du protocole jusqu'en 2012, devra un jour figurer sur l'agenda international. Mais, estime Michel Mousel, président de 4 D (Dossiers et débats pour le développement durable), «il faudrait arriver à relier les objectifs du climat à ceux du Millénaire, dont un premier bilan à cinq ans sera fait en septembre à l'ONU, les deux étant liés au développement économique des pays en développement et aux nouvelles technologies».
