Annonce Climat L'Arctique chauffe et fond en accéléré Selon un rapport présenté aujourd'hui, la moitié de la banquise pourrait disparaître d'ici à 2100, entraînant l'extinction de nombreuses espèces. e réchauffement climatique n'est pas pour demain. Il a lieu maintenant. Ses implications sont majeures et planétaires. Et surtout incroyablement rapides. Voilà en substance la teneur d'un rapport très attendu sur lequel 300 chercheurs internationaux ont planché pendant quatre années, et que le Comité d'évaluation du réchauffement climatique de l'Arctique présente aujourd'hui à Reykjavik, en Islande, dans le cadre d'une conférence scientifique internationale. Commandé en 2000 par le Conseil de l'Arctique (1) et le Comité scientifique international de l'Arctique, le rapport prévoit une accélération des changements climatiques, dont beaucoup sont déjà en cours. Gordon McBean, l'un de ses auteurs, reconnaît que la situation actuelle est «pire que celle qu'[ils s'attendaient] à trouver lorsque les travaux ont débuté, il y a quatre ans». Sur près de 1 500 pages, les scientifiques, qui se sont largement appuyés dans leurs études sur les observations et les connaissances des populations indigènes, brossent un tableau qui, selon eux, est loin d'être «le pire des scénarios». Et pourtant la terre devrait se réchauffer deux fois plus vite au XXIe siècle qu'elle ne l'a fait au siècle précédent. L'Arctique, où le réchauffement a été deux fois plus important que n'importe où ailleurs sur la planète, va connaître une hausse moyenne des températures de 4 à 7 degrés d'ici à 2100. La banquise, qui a perdu près du dixième de sa surface totale depuis les années 70, pourrait diminuer de moitié d'ici à la fin du siècle, entraînant la disparition d'espèces dépendantes des glaces pour se nourrir ou se reproduire. L'ours polaire pourrait ainsi disparaître dans quelques dizaines d'années. L'expansion des forêts vers le nord, en empiétant sur la toundra, menace des millions de migrateurs, oiseaux et caribous en tête, privés d'habitat et mis en concurrence avec de nouvelles espèces venues du sud. L'espèce humaine n'est pas épargnée. L'érosion des côtes et la fonte du pergélisol (ou permafrost), sur lequel sont construits nombre de villages et infrastructures (aéroports, pipelines, et même une centrale nucléaire), vont bouleverser la vie des quatre millions d'habitants de ces régions circumpolaires. Leur monde, leur quotidien et leur mode d'alimentation vont s'en trouver radicalement transformés. Mais si l'Arctique est la première zone touchée par le réchauffement climatique, préfigurant en accéléré ce que le reste de la planète s'apprête à vivre, les bouleversements que ce phénomène induit sont d'ordre planétaire. La fonte des glaciers et de la couverture des glaces maritimes et terrestres va entraîner une hausse du niveau des mers, qui pourrait atteindre jusqu'à 90 cm d'ici à la fin du siècle ­ à lui seul le Groenland pourrait élever le niveau des mers de 7 mètres. Cet afflux d'eau fraîche dans les océans va en outre altérer la circulation des courants marins et atmosphériques qui apportent la chaleur des tropiques vers le nord. Surprises. Sans occulter les quelques avantages, au demeurant très controversés, engendrés par un réchauffement climatique (exploration facilitée de gaz ou pétrole, développement de l'agriculture...), les auteurs du rapport insistent donc sur la nécessité d'une prise de conscience urgente et internationale. Ils l'affirment avec certitude : c'est l'activité humaine et précisément la hausse des émissions de gaz à effet de serre qui est le premier responsable du réchauffement planétaire. Depuis le début de la révolution industrielle, la concentration de CO2 dans l'atmosphère a augmenté de 35 %. Ce niveau (qui devrait rester supérieur à la normale pour plusieurs siècles) est tel qu'une réduction immédiate des émissions n'empêcherait pas le réchauffement de s'accélérer au moins pendant plusieurs décennies avant de décliner lentement. Toutefois, insistent les scientifiques, il est encore temps de limiter les dégâts. Une réduction des émissions permettrait de limiter la vitesse et l'ampleur du réchauffement. «L'Arctique est le signal précurseur du reste du monde. Ce qui arrive à la planète se produit d'abord dans l'Arctique. Protégez l'Arctique et vous sauverez la planète», ont prévenu hier six organisations internationales de peuples autochtones . (1) Forum intergouvernemental regroupant le Canada, la Russie, les Etats-Unis, l'Islande, le Danemark, la Norvège, la Finlande et la Suède, ainsi que six organisations indigènes de l'Arctique.