Manifestation Cinq mille manifestants néonazis perturbent la commémoration des bombardements de Dresde A l'appel du parti NPD, ils ont défilé dans la ville dimanche 13 février, tandis que plusieurs cérémonies étaient organisées en souvenir de la destruction de la ville en 1945. Dresde de notre envoyé spécial Ils arboraient le drapeau noir-blanc-rouge de la Prusse impériale, agitaient des ballons noirs recouverts de slogans, tenaient à bout de bras des flambeaux, brandissaient des calicots dénonçant "l'Holocauste par les bombes" ou promettant, en écriture gothique, "ni pardon ni oubli". Dimanche 13 février, soixante ans après les bombardements alliés sur Dresde qui firent des dizaines de milliers de victimes civiles, environ 5 000 personnes venues majoritairement de l'ancienne Allemagne de l'Est ont défilé à l'appel du parti néonazi NPD pour commémorer les victimes et clamer de façon sibylline que, même "en ces temps d'infidélités", eux, demeuraient "fidèles". Derrière une voiture sono diffusant un pot-pourri d'œuvres de Grieg, Smetana, Bach ou Wagner, ils ont marché durant plusieurs heures, encadrés par d'importantes forces de l'ordre et précédés de quatre grandes croix portant les inscriptions "Dresde", "Hiroshima", "Vietnam" et "Bagdad". Conformément aux consignes de leur service d'ordre, les manifestants, souvent jeunes, ont évité de parler aux journalistes et n'ont crié aucun slogan, se contentant de parfois lever un doigt à l'adresse des contre-manifestants tenus à distance par la police. Tout au long du cortège néonazi, des groupes de contre-manifestants agitaient des drapeaux soviétiques, américains, britanniques et israéliens, lançant parfois des avions de papier décorés de la cocarde de la Royal Air Force. En passant l'Elbe, les manifestants ont dû endurer les puissants haut-parleurs qui, installés sur le toit du centre des congrès, diffusaient en boucle le célèbre discours anti-hitlérien que tient Charlie Chaplin dans les dernières minutes du film Le Dictateur. Quelques centaines de mètres plus loin, surmontées d'un "Nous nous souvenons", deux immenses photos accrochées à la façade d'un musée narguaient le cortège en rappelant les bûchers de livres et l'incendie de la synagogue de Dresde perpétré par les nazis en 1938. Le soir, à l'appel des syndicats et des partis de gauche, quelque 2 000 personnes se sont encore rassemblées dans le centre de la ville pour protester contre la présence de l'extrême droite. Sur la place du marché, des bougies allumées composaient la phrase "Cette ville en a assez des nazis". "COURSE DE LA RÉCONCILIATION" Plusieurs cérémonies officielles et de nombreuses manifestations ont accompagné cette journée du souvenir, rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Dépôt de gerbes, "course de la réconciliation", discours dans un théâtre, séminaires historiques ont été quelques-unes des initiatives prises par diverses associations. Mais en dépit de leur dignité, c'est la présence du NPD, ses slogans et ses remises en cause des origines de la deuxième guerre mondiale et du nombre de ses victimes qui ont donné le ton, provoquant réactions consternées et, quelquefois, des échauffourées rapidement maîtrisées par la police. Ce sont encore les néonazis qui ont implicitement déterminé l'allure de la cérémonie qui a clos la journée, lorsqu'à 21 h 45 - heure à laquelle, le 13 février 1945, les bombardiers ont lâché leurs premières bombes - les cloches de l'église restaurée de la Frauenkirche se sont mises à sonner. Un long cortège s'étirait devant le bâtiment, attendant que les portes s'ouvrent au public pour la première fois depuis les bombardements. "Nous nous souvenons de la destruction de Dresde, affirmait, dans un tract, la fondation qui organisait la cérémonie. Mais nous nous souvenons aussi de ce qui l'a précédée, des souffrances incommensurables infligées à d'innombrables personnes par le national-socialisme et par la guerre qu'a déclenchée l'Allemagne. C'est pourquoi cette journée ne doit pas servir à équilibrer les fautes ni à attiser de nouvelles haines." Silencieuses, des milliers de personnes ont pénétré dans l'église, ne s'y arrêtant que le temps d'y allumer une bougie, de la déposer sur le sol, et de jeter un rapide regard vers le dôme.