Crise Cinq ans après l'accord de paix avec l'Erythrée, les troupes s'amassent à la frontière et les tensions sont vives.«L'Ethiopie ne tirera pas la première cartouche»Depuis l'aube, Mesfin Geta, 19 ans, appuyé sur sa kalachnikov, est posté entre les sacs de sable de son poste d'observation. En face du jeune militaire éthiopien, à moins de 2 km, s'étend l'Erythrée, avec ses plateaux brûlés par le soleil. C'est dans les replis de ce relief accidenté qu'il y a un peu plus de sept ans s'est déroulée l'une des plus sanglantes batailles entre l'Ethiopie et l'Erythrée, lors de la guerre frontalière qui a fait au moins 80 000 morts de 1998 à 2000. La ville de Zala Anbesa, entièrement rasée, fut la première conquête érythréenne. «A l'époque, nous ne nous étions pas préparés à faire la guerre, explique le colonel éthiopien Getnet Yalew, les yeux rivés sur la vallée. Cela n'arrivera pas de nouveau.» La ville a été reprise lors de la grande offensive du printemps 2000. «Tant que nous serons ici, ils ne pourront pas prendre Zala Anbesa, ni quoi que ce soit en Ethiopie», poursuit le colonel, qui dirige la force d'inspection du secteur nord de la frontière. «Mais nous pouvons vous assurer que l'Ethiopie ne tirera jamais la première cartouche», ajoute-t-il aussitôt.Sur le même sujetL'ultimatum de l'ErythréeTranchées. Autour du colonel, sur une colline en bordure de la petite ville de Zala Anbesa, des tranchées ont été fraîchement creusées. Ces couloirs souterrains bétonnés, qui s'étendent sur plusieurs kilomètres le long de l'escarpement, ont été achevés il y a un peu plus d'un mois. «Les tranchées sont vides», explique le colonel, une casquette militaire enfoncée sur la tête. «Pour le moment, nous n'avons pas besoin de les occuper vu qu'il n'y a rien en face. Mais en moins d'une heure nous pouvons être au front.»Huit cents mètres plus loin, se trouve un autre poste d'observation. Une dizaine de soldats nettoient leurs kalachnikovs. Trois mitrailleuses lourdes, un lance-roquettes et des grenades sont disposés autour d'eux. Quelque 200 hommes sont déployés là, et une division (environ 6 000 hommes) a été placée le long de la ligne de front sinueuse jusqu'à une place forte, située à 70 km à vol d'oiseau. Enfin, à une trentaine de kilomètres de Zala Anbesa, vers l'intérieur, se trouvent encore 6 000 hommes prêts à être déployés, assure le militaire.Samedi, le gouvernement éthiopien s'est pour la première fois dit prêt à réduire le nombre de ses troupes à la frontière. La mission des Nations unies en Ethiopie et en Erythrée (Minuee) estime qu'Addis-Abeba a déployé quelque 50 000 hommes dans cette zone depuis décembre 2004. Mais pour le colonel il s'agit d'une stratégie uniquement défensive, en prévision d'une attaque quasi certaine de l'Erythrée. «L'armée régulière [érythréenne] est très proche», affirme le colonel tout en désignant, à moins de 3 km, un milicien de l'armée d'en face. «Le gouvernement érythréen est imprévisible.»Au pied de la colline de Marta Kebele, la route qui mène à Zala Anbesa porte encore les cicatrices du dernier conflit. Les trois rangées de tranchées construites par l'armée érythréenne pour assurer leur conquête hachurent toujours le paysage sec et accidenté. Dans la ville, si la plupart des bâtiments ont été reconstruits dans un effort massif du gouvernement, de nombreuses maisons éventrées par les bombes bordent encore la route principale. La guerre a coûté plus de 860 000 euros par jour à chacun des deux pays pendant deux ans.Barrière. Taim Lemlem, le propriétaire de l'hôtel Ethiopie, le seul de la ville, reconstruit il y a tout juste un an, raconte que les habitants de Zala Anbesa ont peur à cause de la tension entre les deux nations. Beaucoup de familles ont déjà quitté la ville pour s'éloigner du front. «La première guerre a été très meurtrière, les gens n'ont pas envie que ça recommence. Ici on a vu ce qu'un conflit pouvait donner.» Devant l'hôtel, une centaine de mètres plus bas, la route de Zala Anbesa se termine par une barrière. Derrière, se trouvent l'Erythrée et sa capitale Asmara, à moins de 150 km. Un véhicule de la Minuee passe, la barrière se lève. Cinq ans après la guerre, seuls les Casques bleus sont autorisés, jusqu'à ce jour, à se rendre de l'autre côté.
