Ouverture CINÉMA En compétition au festival du film de Berlin, «Man to Man» ouvre la manifestation Régis Wargnier et les Pygmées Dans sa fable humaniste, Régis Wargnier filme un anthropologue au XIXe siècle (Joseph Fiennes) qui capture un couple de Pygmées avec l'aide d'une marchande d'animaux (Kristin Scott Thomas). (DR.) C'est Régis Wargnier qui ouvre ce soir la 55e Berlinale avec Man to Man, premier film français en compétition avant Les Temps qui changent d'André Téchiné, Le Promeneur du Champ de mars de Robert Guédiguian, Les Mots bleus d'Alain Corneau et De battre mon coeur s'est arrêté de Jacques Audiard. Une forte présence française qui montre la richesse et la diversité kaléidoscopique de notre cinématographie. Des paysages d'Afrique aux lochs écossais, Régis Wargnier nous plonge au coeur d'une fable humaniste (en salle le 11 mai) écrite en collaboration avec William Boyd, tournée en anglais et coproduite avec l'Angleterre. En 1870, lors d'une expédition scientifique, l'anthropologue Jamie Dodd (Joseph Fiennes) capture un couple de Pygmées avec l'aide d'Elena (Kristin Scott Thomas), une aventurière et marchande d'animaux. De retour en Ecosse, il étudie, au côté de ses deux amis anthropologues, ces spécimens qu'il a surnommés Toko (Lomama Boseki) et Likola (Cécile Bayiha). Tous trois veulent démontrer à l'Académie des sciences que ces Pygmées sont le «chaînon manquant». Mais de sujets d'étude, Toko et Likola deviennent bêtes de foire. Jamie, oubliant ses a priori, tente de les sauver... Pour Wargnier l'aventurier, quelle est l'origine de Man to Man ? «Les producteurs de Vertigo m'avaient donné à lire un sujet de quarante pages, écrit par deux documentaristes, sur la rencontre entre un lord anglais piqué d'anthropologie et deux Pygmées, déclare le cinéaste. L'idée a fait son chemin. Et le récit a pris une tout autre tournure. Les auteurs avaient adopté le point de vue des Pygmées. Moi, ce qui m'intriguait, c'était leur mystère. J'ai donc inversé l'histoire. C'est à travers le regard des Européens que, peu à peu, l'humanité des Pygmées est révélée.» Pour mieux s'imprégner du sujet, le réalisateur a effectué de nombreuses recherches sur la science, l'anthropologie et les zoos humains au XIXe siècle. «L'idée de faire un spectacle en exhibant des créatures humaines comme spécimen zoologique est née en Allemagne avec Karl Hagenbeck, qui, le premier, expose des Lapons et des rennes. Et tout d'un coup, il y a eu cet engouement très étonnant qui correspondait à la politique, à la stratégie des pouvoirs coloniaux. On faisait venir les indigènes à Paris et, en les exposant ainsi comme des bêtes, on prouvait aux masses populaires de nos pays riches et puissants qu'il était nécessaire d'aller dans les colonies apporter la civilisation et le progrès. Ces indigènes ont également fait le bonheur des scientifiques. L'anthropologie du XIXe est directement inspirée par le colonialisme. En classant les peuples en fonction de leurs différences physiques et culturelles, l'anthropologie a appliqué à la science un système de valeur racial.» Le cinéaste a fait appel à William Boyd pour parfaire la note victorienne et africaine. «Nous nous connaissons depuis une dizaine d'années. Lorsque j'ai compris qu'il était essentiel de réaliser le film en anglais, j'ai fait appel à William. Il est écossais, il a grandi au Ghana et au Nigeria. Il m'a aidé à placer le film dans une perspective victorienne.» Après toutes ces étapes, le plus dur restait à faire, «trouver ceux qui allaient incarner Toko et Likola, les Pygmées. Nous avons écumé la Côte d'Ivoire, le Cameroun, le Gabon, les deux Congos... C'est finalement à Kinshasa que nous avons découvert Lomama qui est danseur et chanteur dans un groupe folklorique lorsqu'il ne travaille pas sur les marchés. En revanche, Cécile n'est pas pygmée, c'est une Camerounaise de petite taille, âgée de 22 ans». La suite, le tournage, est encore une autre histoire...
