Annonce CHINE Le président chinois est invité à la Maison-Blanche, le 7 septembre prochain, sur fond de tensions économiques et stratégiques Hu Jintao pour la première fois à Washington Un déjeuner assis à la Maison-Blanche après les 21 coups de canon ou bien un barbecue texan au ranch de Crawford, comme on l'offre aux vrais amis ? C'est finalement le scénario n° 1, plus guindé, que Washington a retenu – à la déception de Pékin – pour le premier sommet entre George W. Bush et le président chinois Hu Jintao, le 7 septembre. Entre la République populaire et les États-Unis, rien n'est simple et tout est affaire de symbole, plutôt que de substance. La puissance montante va parler «d'égal à égal» avec la superpuissance établie. L'accueil n'en sera pas pour autant chaleureux. Hu Jintao, président depuis 2003, a droit à sa première visite officielle, mais ce n'est pas une visite d'État. Washington pousse à une «relation franche et constructive» avec Pékin, ce qui confirme en termes choisis qu'elle n'est pas sans ombre. Après quatre ans passés à la présidence, George W. Bush semble revenu à son jugement de candidat, qui faisait de la République populaire non pas le partenaire mais le «rival stratégique» des États-Unis. Vu de Washington, la parenthèse ouverte par les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et entretenue par la crise irakienne tend à se refermer. La «menace» chinoise revient clignoter avec insistance sur l'écran radar des dirigeants américains, du fait d'une formidable percée économique, commerciale, politique et finalement militaire. A la Maison-Blanche, Hu Jintao arrivera pétri de la certitude qu'il préside à l'essor de la seule nation susceptible de ravir un jour leur prééminence aux États-Unis, ce que confirment à peu près toutes les projections. Cette confiance retrouvée ne va pas sans quelques sueurs froides. L'Amérique et son marché ont apporté la contribution la plus massive au dynamisme chinois, ne serait-ce que par le creusement du déficit commercial. Mais Washington finit par s'en inquiéter, avec des pulsions protectionnistes qui risquent d'être néfastes à l'avenir du président Hu. Avant de rattraper l'Amérique, la Chine redoute sans le dire d'être déstabilisée par elle. A la fin 2004, le secrétaire d'État sortant, Colin Powell, jugeait la relation sino-américaine meilleure que jamais, malgré quelques frictions sur l'avenir de Taïwan, l'île insoumise. Ces derniers mois, pourtant, ont vu monter les récriminations du côté américain, surtout sur les dossiers commerciaux. A l'approche de la visite de Hu Jintao, Condoleezza Rice invite la direction communiste à ne pas prendre à la légère l'inquiétude qui monte au Capitole. Pour une part, les États-Unis subissent le même sort que leurs alliés de l'Union européenne, ainsi qu'en témoigne la levée de boucliers contre le dumping monétaire reproché à Pékin et contre l'invasion du textile chinois. Pour une autre, il s'agit d'un aveu déguisé d'impuissance : quelles que soient les gesticulations du Congrès, le coût de la main-d'oeuvre chinoise restera imbattable dans un avenir prévisible et le PNB chinois rattrapera celui de l'Allemagne en 2009, du Japon en 2017 puis des États-Unis en 2042 d'après des prévisions toutes fraîches de la CIA. Par excès d'assurance ou par mauvais calcul, la Chine de Hu Jintao a aussi donné des verges pour se faire battre, sur le Potomac. Le Pentagone et la Maison-Blanche, mezzo voce, n'ont pas apprécié l'appel au retrait des troupes américaines hors d'Ouzbékistan et du Kirghizstan lancé cet été depuis l'Asie centrale. Des manoeuvres aéronavales sino-russes à grand spectacle n'ont rien fait pour apaiser l'ardeur des «faucons» américains, ni réduire le sentiment d'insécurité du Japon, de l'Inde ou des démocraties d'Asie du Sud-Est. Mais c'est sur le pétrole et sur le gaz que se cristallise vraiment la rivalité entre deux puissances également dépendantes. L'OPA hostile de la compagnie chinoise CNOOC sur l'américaine Unocal, finalement avortée, n'a servi que de révélateur. Pékin avance les pions de sa «pétro-diplomatie» avec des alliés aussi discutables pour les Américains que l'Iran, le Venezuela ou le Soudan. Et où que les États-Unis se tournent pour leurs approvisionnements, ils risquent désormais de trouver la Chine sur leur chemin.
