Annonce Chili : le trésor fantôme de l'île de Robinson CrusoéUne entreprise chilienne prétend avoir localisé un fabuleux magot, sans preuve, grâce à un robot révolutionnaire. Vérité ou canular ?Huit cents tonnes d'or, des joyaux, les anneaux papaux, une partie du trésor inca, une émeraude nommée Rose des vents... Un fabuleux trésor aurait été découvert, fin septembre, sur la petite île de Robinson Crusoé, située à plus de 600 km des côtes chiliennes dans l'archipel Juan Fernandez. A la une de la presse nationale, la nouvelle fait bientôt le tour du monde. En fait, tout ce qu'on connaît du trésor, ce serait sa localisation. Pas une pièce d'or n'a encore été sortie de terre. Pas même un coup de bêche donné ou une autorisation demandée pour le faire. C'est la jeune entreprise chilienne Wagner Tecnologias (filiale d'une entreprise éponyme de sécurité), à l'origine de la prétendue découverte, qui saurait où se trouve le trésor et en donne une estimation : 10 milliards de dollars. Elle est la seule source d'informations. Que personne ne met en doute.Coffre-fort. Tout le monde semble vouloir croire au conte fantastique, qui tourne vite à la foire d'empoigne. Car si le butin n'est encore qu'un point sur une carte une carte que personne n'a vue et qui se trouverait dans un coffre-fort chez un notaire de Santiago , chacun réclame sa part. L'entreprise en exige 50 %. L'autre moitié revenant au propriétaire du terrain, en l'occurrence l'Etat, selon le Code civil chilien. Jusqu'au président, Ricardo Lagos, qui opine, contredisant son ministre de l'Education qui allègue, lui, la loi régissant les monuments nationaux. Cette loi dit que tout trésor de valeur archéologique est propriété d'Etat.Le 3 octobre, l'entreprise et les autorités chiliennes se réunissent : Wagner se désinvestit des fouilles. Elle fournira la carte à l'Etat, et lui laisse ainsi la tâche de creuser, et de se débrouiller avec les permis dont la délivrance pourrait prendre plusieurs mois, voire des années, l'île étant déclarée patrimoine mondial de la biosphère par l'Unesco. Mais l'entreprise, qui soigne une image charitable teintée de populisme, continue de réclamer sa moitié, précisant qu'une partie sera donnée à l'Eglise baptiste, à l'association catholique Hogar de Cristo, au Téléthon et à l'île, qui réclame 25 % du trésor. Les autorités annonceront prochainement ce qu'elles comptent faire.Comment Wagner a pu localiser un trésor sans la moindre fouille ? Grâce à un robot, TR-Araña, sorti il y a trois mois de ses laboratoires, explique-t-elle aux médias. Un «géoradar» de 50 centimètres sur 65, qui aurait sondé l'île à plus de trois mètres sous terre, sur 9 700 hectares durant trois jours. Arturito, comme l'a surnommé la presse chilienne en clin d'oeil au robot de Star Wars, ne serait pas qu'une petite voiture blindée téléguidée, «mais l'invention du siècle», selon l'avocat de l'entreprise Fernando Uribe, qui est aussi président de son directoire. Ce robot serait capable de trouver n'importe quoi n'importe où : de l'eau dans le désert, du pétrole, des gisements d'or, des cheveux sous la terre, de la drogue dans un aéroport...«illuminé par le seigneur», explique-t-il à La Nacion Domingo (1) , l'invention sera utilisée pour «sortir le Chili du sous-développement en prêtant cette technologie aux autres pays». Et pour mieux aider le pays, Wagner travaillerait déjà sur une autre invention : la télétransportation...Quelques journaux finissent par enquêter. L'entreprise prétend que son robot a joué un rôle déterminant dans deux affaires judiciaires. Il aurait retrouvé le corps du chef d'entreprise Francisco Yuraszeck, disparu depuis mars 2004, enterré sous plusieurs mètres de terre. Le juge chargé de l'affaire, a expliqué au Mercurio (2) que les indications de Salinas s'étaient révélées fausses. Le robot aurait aussi retrouvé une cache d'armes. Certains supposent qu'Arturito est peut-être juste un détecteur de métaux très puissant. D'autres soupçonnent Wagner d'avoir eu l'information par d'autres sources.Ridicule. Le président de la Société chilienne de physique, Leopoldo Soto, explique à La Nacion Domingo : «Il n'est pas possible de construire une telle machine. Du moins avec la physique que nous connaissons à l'heure actuelle. Ils auraient donc découvert là une nouvelle physique.» Aucun chercheur n'a encore vu l'appareil. Pas même le 12 octobre, lorsque Salinas, à l'invitation de la prestigieuse Université de Santa Maria, à Valparaiso, arrive, sans le robot, et se ridiculise par des explications fumeuses et contradictoires. Selon l'avocat Fernando Uribe, l'Institut Pasteur devait venir tester TR-Araña la semaine dernière. Après vérification, l'Institut n'en a jamais entendu parler. Le robot et sa découverte ne seraient donc qu'un énorme canular. Mais pourquoi l'entreprise l'a-t-elle lancé ?
