Mort de Charles Haughey
Mort Charles Haughey, ancien premier ministre irlandaisL'ancien premier ministre irlandais Charles Haughey est mort d'un cancer, mardi 13 juin, à Dublin. Il était âgé de 80 ans.Tout le monde l'appelait "Charlie". Ses amis, comme ses ennemis, qu'il avait également nombreux.Car l'homme qui domina la vie politique de l'Irlande pendant une vingtaine d'années fut aussi un grand diviseur, dans son pays comme dans son parti. Admiré pour son charisme et son efficacité électorale. Jalousé et détesté pour son style de vie somptueux et ses libertés prises avec la morale politique.POLITICIEN RUSÉTaille moyenne et nez d'aigle, Charles Haughey était un personnage aimable et haut en couleur, un politicien rusé qui, pour ses partisans, eut l'immense mérite d'établir les fondements de la croissance économique irlandaise. Pour ses adversaires, cet homme aux moeurs sulfureuses restera le pire symbole de l'emprise de la corruption et du népotisme sur la vie publique.Charles Haughey était né le 16 septembre 1925 à Mayo, dans l'ouest de la République, où son père, un ancien officier de l'IRA, avait installé sa famille après avoir quitté Londonderry, dans le nord de l'île.Installé à Dublin comme comptable, Charles se lance dans l'immobilier où il amasse une petite fortune. Elu député de Dublin en 1957, il rejoint le Fianna Fail, l'un des deux grands partis républicains, épouse la fille d'un ancien premier ministre et devient tour à tour ministre de la justice, de l'agriculture, et des finances.En 1970, il essuie son premier revers. Jack Lynch, alors chef du gouvernement, le limoge après qu'il eût été soupçonné d'avoir approuvé une livraison d'armes à l'IRA. Il sera jugé en 1972, et acquitté. Commence une première traversée du désert au cours de laquelle il consolide sa base populaire.Et un premier retour comme ministre en 1977 qui forgera sa réputation d'éternel survivant. En 1979, il prend de justesse la tête du Fianna Fail et devient Taoiseach (chef du gouvernement).La guerre civile fait rage en Ulster. Charles Haughey condamne la violence de l'IRA, mais ses relations avec Mme Thatcher se dégraderont après la mort en prison en 1981 de Bobby Sands et de ses neuf camarades grévistes de la faim. Plusieurs scandales secouent alors le gouvernement, notamment une affaire d'écoutes téléphoniques et l'arrestation d'un meurtrier au domicile du ministre de la justice.Passé dans l'opposition fin 1982, "Charlie" revient au pouvoir en 1987. "Nous vivons au-dessus de nos moyens", avait-il lancé aux Irlandais deux ans plus tôt. Il sait de quoi il parle, car il mène alors un train de vie somptueux. Il possède un manoir, un yacht, des chevaux de course, et même une petite île, toutes extravagances financées - on l'apprendra plus tard - via de multiples comptes secrets aux îles Caïman, par la générosité de riches hommes d'affaires amis.A partir de 1989, Charles Haughey redresse l'économie du pays à un moment où l'île commence à recevoir l'aide massive de la Communauté européenne, dont elle est devenue membre en 1983. Sa politique fiscale attirera peu à peu les investisseurs étrangers, et les écrivains et artistes séduits par les exemptions d'impôts.PLAN DE PAIXAvant d'être contraint à la démission en 1992 après un énième scandale, il aura jeté les bases avec John Major du futur plan de paix anglo-irlandais pour l'Ulster.Citant Othello dans son discours d'adieu, "Charlie" affirme "avoir rendu quelque service à l'Etat". Mais le dernier hommage pourrait revenir à Moira Geoghegan-Quinn, une journaliste qui fut sa maîtresse pendant vingt-sept ans et décrit ainsi celui qu'elle appelait "Sweetie" : "C'était un personnage entouré d'intrigues, de mystères et d'argent, mais protégé par son populisme, son intelligence et son sens opportun du bon mot."