Exposition Cent vingt toiles néo-impressionnistes au Musée d'Orsay. De Seurat à Paul Klee, un parcours lumineux à travers le meilleur de cette école - S'agissant d'art, le terme «école» n'a pas bonne presse. Il est aux yeux de beaucoup synonyme de suivisme, de sectarisme, de frein à l'épanouissement de l'artiste, à sa liberté et sa subjectivité. Vieilles lunes du mythe de l'artiste forcément maudit et forcément solitaire. C'est pourtant bien les «écoles» puisqu'on y apprend des choses et qu'on y rencontre des frères. Et même s'il n'en sort pas que des génies – heureusement –, elles ont souvent permis, encouragé, déclenché même des vocations de peintres s'envolant parfois après de leurs propres ailes – comme Claudel et quelques autres après leurs leçons de grammaire auprès du professeur Mallarmé. Ainsi en va-t-il de l'école néo-impressionniste à laquelle le Musée d'Orsay consacre une imposante exposition de quelque cent vingt tableaux, la plus importante et la plus complète depuis celle proposée par le Gugghenheim Museum de New York en 1968. De Seurat à Paul Klee, annonce l'intitulé. Ils sont nombreux, en effet, les grands noms à être passés par ce mouvement baptisé ainsi, en 1886, par le concis et synthétique Félix Fénéon, et parmi eux quelques-uns des génies les plus singuliers de l'histoire de la peinture de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, présents à cette exposition : Van Gogh, Giacometti, Malevitch, Paul Klee, Delaunay, Kandinski (avec une miraculeuse oeuvre de jeunesse, L'Eglise Saint-Louis à Munich, 1908) et même Mondrian (une étonnante et inattendue Etude pointilliste, crête à droite, 1909). Ces «passants considérables» ont un temps fait allégeance à Georges Seurat, initiateur de ce courant avec le fameux Dimanche après-midi sur l'île de la Grande Jatte (1884). Et aux règles nouvelles de la division des couleurs, du «mélange op tique», de l'exaltation de la «surface plane», de la rigueur rythmique, des touches juxtaposées, tout un nouvel univers d'arabesques, d'enchantements formels et chromatiques défini et minutieusement élaboré, entre autres par Paul Signac, Lucien Pissarro, Charles Angrand, Henri-Edmond Cross. Ou le délicieux Albert Dubois-Pillet (les splendides Tours de Saint-Sulpice, 1887) qui était gendarme et eut l'heureuse idée de ne pas écouter sa hiérarchie plutôt réticente devant son enthousiasme créatif, jugé peut-être incompatible avec l'esprit militaire. Ce en quoi elle se trompait fort. Selon Serge Lemoine, président du Musée d'Orsay, grand connaisseur du néo-impressionnisme et pour l'occasion commissaire général de l'exposition, les maîtres mots de ce mouvement sont «discipline, modestie, harmonie. Pas tyrannie, ajoute-t-il, même si Pissarro, par exemple, trouvait parfois les règles très contraignantes». Cent vingt toiles, donc, pour un parcours lumineux au gré de thèmes très judicieusement choisis : «rythme», «géométrie», «arabesque», «pose», «arcadies», «lumière» et «couleur», bien sûr. Il n'y a pas que des chefs-d'oeuvre. Mais aux côtés des magnifiques Paul Signac (les «Poseuses» ou La Femme se coiffant, 1892), des merveilleux Seurat et Pissarro, du Paysage avec marronnier (1889) de Jan Toorop, des oeuvres des grands Belges (Willy Finch, Henry Van de Velde), on peut admirer des toiles signées Maurice Denis, Georges Morren et quelques autres. Des tableaux moins illustres mais auxquels les techniques savantes du néo-impressionnisme et la modestie dont parle Serge Lemoine donnent une douceur, des sensations exquises d'une poésie sans tapage.