Procès Catastrophe du tunnel du Mont-Blanc : la justice rend son verdict La justice française a rendu son jugement, mercredi 27 juillet, sur les responsabilités dans l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, qui avait coûté la vie à trente-neuf personnes, le 24 mars 1999. Ce jour-là, un mercredi, à 10 h 52, le poids lourd conduit par Gilbert Degrave, un chauffeur routier belge, avait pris feu six kilomètres après l'entrée française du tunnel. Il faudra 53 heures pour venir à bout du sinistre qui a impliqué, outre le camion belge, trente-quatre autres véhicules. Six ans plus tard, Gilbert Degrave a été condamné à quatre mois de prison avec sursis. Cette peine a aussitôt été amnistiée, a-t-on précisé, puisqu'elle rentre dans le cadre de l'amnistie présidentielle de 2002. Le procureur de la République de Bonneville, Vincent Le Pannerer, avait requis contre lui, en avril, six mois de prison avec sursis. Gérard Roncoli, chef de la sécurité côté français, est condamné à trente mois de prison, dont vingt-quatre avec sursis. Le parquet avait requis contre lui trois ans avec sursis et 12 000 euros d'amende. C'est le seul prévenu condamné à de la prison ferme. La société française ATMB (Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc), concessionnaire du tunnel avec son homologue italienne SITMB, a été condamnée à 100 000 euros d'amende. Sa défense avait été la seule à ne pas demander la relaxe, contrairement à l'ensemble des avocats des quatorze autres prévenus, personnes physiques ou morales. Rémy Chardon, le président d'ATMB au moment des faits, a été condamné à deux ans avec sursis et 15 000 euros d'amende. SGTMB, la société de gestion française du tunnel, a été condamnée, quant à elle, à 50 000 euros d'amende. La SITMB est condamnée à 150 000 euros d'amende. Daniel Claret-Tournier, régulateur côté français, est condamné à seize mois avec sursis et son homologue italien, Marcello Meyseillier, à un an avec sursis. Le groupe automobile suédois Volvo, constructeur du poids lourd dont l'incendie avait été à l'origine de la catastrophe, est relaxé. Le parquet avait réclamé la relaxe, estimant qu'aucune expertise n'avait apporté la preuve d'une défaillance du moteur du camion. "JE NE SUIS PAS DU TOUT SATISFAIT DE LA CONDAMNATION" Enfin, Michel Charlet, maire de Chamonix, écope, pour sa part, de six mois avec sursis et 1 500 euros d'amende. Le parquet avait requis huit mois avec sursis et 15 000 euros d'amende. Il a annoncé qu'il ferait appel de sa condamnation. "Je ne suis pas du tout satisfait de la condamnation, non pas à titre personnel, mais pour le principe", a-t-il déclaré à la sortie de l'audience. "Aujourd'hui, 4 500 camions passent chaque jour sous le Mont-Blanc malgré mon avis défavorable", a-t-il expliqué, estimant que cela montrait qu'il n'avait "aucune compétence" sur le tunnel du Mont-Blanc. Selon plusieurs avocats et magistrats, l'appel du maire de Chamonix, s'il restait le seul, n'entraînerait pas automatiquement l'organisation d'un nouveau procès de la même ampleur. Il reviendra au parquet de décider s'il est possible de dissocier le cas de M. Charlet de ceux des autres condamnés. L'ATMB (Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc) n'envisage pas, pour sa part, de faire appel, a expliqué l'avocat de la société, Me Christian Lambard. "Nous souhaitons que la page soit tournée sereinement, mais les personnes physiques sont libres de leur défense", a-t-il ajouté. Le principal condamné, Gérard Roncoli, responsable français de la sécurité du tunnel, condamné à trente mois de prison dont six fermes, s'est éclipsé du tribunal avec son avocat sans faire de déclaration. Il a dix jours pour informer le tribunal de ses intentions. UN JUGEMENT "EXEMPLAIRE À TOUT ÉGARD" Les familles des victimes ont estimé "exemplaire à tout égard" le jugement rendu mercredi par le tribunal correctionnel. "Il y a un équilibre des sanctions : il n'y a pas que les lampistes condamnés, tous les niveaux de responsabilité sont concernés", a observé Me Alain Jakubowicz, avocat de l'association de défense des familles des victimes, à la sortie de l'audience. "Les familles des victimes espèrent désormais retrouver la sérénité, et pour cela nous espérons qu'il n'y aura pas d'appel", a-t-il risqué. "C'est une décision conforme à nos souhaits", a déclaré André Denis, président de l'association. "Les condamnations sont plus équilibrées que le réquisitoire, avec au moins le symbole d'une peine de prison ferme. On ne peut qu'apprécier", a-t-il dit. "Chacun doit répondre de ses actes, même quand ils sont involontaires", a-t-il ajouté, en saluant "un procès qui s'est déroulé dans de très bonnes conditions, dirigé de façon magistrale par le président", Renaud Le Breton de Vannoise. "Evidemment, cela ne nous rend pas nos morts. Ils ne reviendront jamais. Mais la vie continue, et ce jugement nous permet de regarder vers l'avenir", a-t-il conclu. Le procès a duré du 31 janvier au 29 avril dans une salle spécialement aménagée pour accueillir notamment 285 parties civiles et 80 avocats. Le tribunal correctionnel de Bonneville (Haute-Savoie) avait requis des peines allant de six mois à trois ans de prison, mais toujours avec du sursis, et des amendes de 7 000 à 70 000 euros.