Mort de Carlo Maria Giulini

Mort Carlo Maria Giulini, la mort d'un maestro humaniste ROME (AFP) - Carlo Maria Giulini, décédé mercredi à Brescia (Italie) à 91 ans, fut avec Herbert von Karajan, Karl Böhm, Leonard Bernstein ou Georg Solti l'un de ces chefs d'orchestre de légende formés à une époque où l'on n'entrait encore dans la carrière qu'après un solide apprentissage. Né à Barletta (Italie du sud) le 9 mai 1914, il a été un maestro d'une exceptionnelle élégance de geste et d'une grande noblesse humaine. Chef lyrique et symphonique, Giulini n'a eu ni modèle, ni copie. Après des études à l'Académie Sainte-Cécile de Rome, il a d'abord été altiste à l'orchestre de l'Augusteo de Rome, observant les plus grands, Bruno Walter, Willem Mengelberg, Wilhelm Furtwängler. La Seconde guerre mondiale retarda sa carrière: jeune officier entré en résistance, il dut se terrer dans un souterrain dix mois sans voir la lumière. Giulini ne devait arriver à la notoriété internationale qu'à près de 40 ans et avec un répertoire relativement réduit. A 50 ans, le public le considérait comme le dernier survivant d'une tradition de spiritualité en musique. Comme ses glorieux anciens Arturo Toscanini, dont il fut l'ami, et Victor de Sabata, dont il fut le successeur à la Scala de Milan comme directeur musical de 1953 à 1955, comme ses cadets Claudio Abbado et Riccardo Muti, Giulini n'avait pour répertoire naturel que Rossini et Verdi, dont il a dirigé tous les grands opéras sauf "Aida". Mais il savait infuser à la musique allemande une verve ou une luminosité qui la transfigurait. Il n'a jamais dirigé un opéra de Wagner et a refusé de diriger "Tannhäuser" à Bayreuth. Il ne s'était mis que tard à Mahler et surtout à Bruckner, dont il a su faire respirer les symphonies, comme en témoignent ses enregistrements pour la firme Deutsche Grammophon (DG). Son enregistrement de "Don Giovanni" de Mozart avec Elisabeth Schwarzkopf (chez EMI Classics) est resté indémodable depuis un demi-siècle. Toute la carrière de Giulini n'a été qu'approfondissement, jusqu'à ce qu'en 1998 il décide de se retirer définitivement des estrades. A partir de 1946, Carlo Maria Giulini dirigea pour la radio italienne RAI à Milan, et en 1948, il faisait ses débuts à l'opéra avec "La Traviata" de Verdi, ce même ouvrage qu'en 1956 il monta à la Scala avec Maria Callas dans le rôle-titre et Luchino Visconti comme metteur en scène. Cette production a ouvert une ère nouvelle pour le théâtre lyrique de répertoire. Elle fut notamment suivie par un mémorable "Don Carlos" de Verdi, toujours avec Visconti au Covent Garden de Londres. Les chanteurs devaient avoir le physique de leurs personnages et jouer. La musique qui sortait de la fosse devait répondre à une exigence dramatique. Plus tard, face aux compromis et aux à-peu-près plus ou moins cyniques d'un monde lyrique qu'il avait pourtant contribué à mettre à la mode, Carlo Maria Giulini décida de ne plus diriger l'opéra, après quelques dernières expériences, notamment un "Falstaff" de Verdi en 1982 avec l'Orchestre philharmonique de Los Angeles, dont il fut directeur musical de 1978 à 1984. Après cette période, le maestro ne dirigera plus que des concerts avec un nombre réduit de phalanges, comme la Philharmonie de Berlin et les orchestres de la Scala de Milan, de Chicago ou de Los Angeles.