Annonce Campagne pour un référendum sur la peine capitale pour les meurtres pédophiles. En Pologne, croisade extrême pour la peine de mort Le président Lech Kaczynski, partisan de la peine de mort. REUTERS Ils font du porte-à-porte en semaine ou installent, le dimanche, des tables la sortie des églises. Les activistes de la Ligue des familles polonaises (LPR extrême droite) recueillent les signatures pour un référendum en faveur d la peine capitale pour les meurtriers pédophiles. Il en faut 500 000, selon l Constitution, pour pouvoir tenir une telle consultation. Ils se disent sûrs d gagner car, selon les sondages, entre 70 % et 80 % des Polonais seraien favorables à la peine capitale pour les crimes les plus horribles. «Que les bureaucrates à Bruxelles s'y opposent, c'est une chose ; mais l'important, c'est de demander l'opinion des peuples», explique à Libération Robert Strak, député de cette formation ultranationaliste et xénophobe. Ce petit parti (29 députés sur 460 à la Chambre basse), qui comme les populistes de Samoobrona (55 députés) siège depuis mai au gouvernement conservateur de Jaroslaw Kaczynski, vient de lancer la bataille de la collecte des signatures. A Kepice, dans une région de lacs au nord de Varsovie, où une fillette a été violée et le viol filmé, les habitants, encore sous le choc, soutiennent l'initiative. Strak est confiant et pense que «le référendum pourrait se tenir à l'occasion des municipales du 12 novembre». Ensuite, après une victoire qu'il estime certaine, «il sera temps de demander l'opinion des autres nations de l'Union, Français, Allemands, Anglais ou Belges, particulièrement concernés par les problèmes de meurtres pédophiles». Sur le même sujet L'abolition, condition à l'UE «Rien n'est définitif.» «Il est grand temps de lancer un débat européen. La Pologne a bien le droit de prendre des initiatives sans se borner à accepter bêtement tout ce que l'Union lui impose. Le monde change, il devient de plus en plus agressif. Il est temps que l'UE en tienne compte et qu'elle change aussi», argumente le député. «Rien n'est définitif ni irréversible. Pourquoi certains pays autoriseraient les mariages homosexuels et n'évolueraient pas sur d'autres points ?» s'interroge ce député qui aimerait voir la loi antiavortement, déjà restrictive, encore plus durcie. «Chaque Etat membre devrait avoir la liberté de sa législation, comme c'est le cas dans les différents Etats américains», poursuit-il. Les partisans du rétablissement de la peine de mort en Pologne savent bien que leur pays est tenu par la Convention européenne des droits de l'homme, qui proscrit la peine capitale dans toute l'UE. «J'ai toujours été partisan de la peine de mort, je le suis et je le resterai», n'a pas hésité à rappeler le président Lech Kaczynski dans une interview à la radio publique, convaincu qu' «avec le temps l'Europe changera d'avis sur ce point». Le parti Droit et Justice, au pouvoir, a déjà soulevé la question. En octobre 2004, alors qu'il était un petit parti d'opposition, il avait proposé un amendement du code pénal que le Parlement a rejeté. Maintenant, il envisage de lancer un débat européen pour modifier l'article 6 de la convention. Sans cela, un référendum serait un «acte purement symbolique», a déclaré avec réalisme Przemyslaw Gosiewski, ministre sans portefeuille chargé de coordonner les travaux du gouvernement. Membre de l'UE depuis 2004, la Pologne avait aboli la peine capitale en 1997, après avoir suspendu son exécution en 1988. La peine maximale, c'est la prison à perpétuité. Le dernier condamné a été pendu en 1988. Pour trahison, les condamnés étaient fusillés. A l'époque communiste, plusieurs procès politiques se sont terminés ainsi. La peine de mort a même été appliquée pour une affaire de corruption dans la vente de viande, un produit déficitaire dans les magasins alimentaires communistes. Tous ces propos ont suscité la critique de l'opposition et surtout la consternation des institutions européennes. La Commission européenne a souligné «une incompatibilité absolue entre l'UE et la peine de mort». Le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), René Van der Linden, a fait valoir jeudi dans une lettre au chef de l'Etat polonais que le rétablissement de la peine de mort serait un acte «sérieusement rétrograde» et «totalement incompatible avec l'appartenance» au Conseil de l'Europe. La présidence polonaise a aussitôt expliqué qu'il ne s'agissait aucunement d'une initiative législative, mais simplement d'une opinion privée du Président. «Dommage que la Pologne devienne aujourd'hui un réservoir de pulsions rétrogrades, après avoir été le moteur de grandes idées progressistes avec le syndicat Solidarité qui renversa sans violence le communisme», s'indigne le sénateur indépendant Krzysztof Piesiewicz. «Le débat sur la peine de mort en Pologne, nous l'avions eu il y a vingt-cinq ans», renchérit cet avocat de renom et grand ami du cinéaste Krzysztof Kieslowski, dont il a écrit la plupart des scénarios. L'initiative du référendum représente à ses yeux «de la démagogie populiste pure et simple de la part d'un parti qui a 2 % ou 3 % de soutien dans les sondages et qui veut ainsi gagner quelques points». Retour en arrière. L'important soutien populaire à la peine de mort est d'autant plus étonnant que le défunt pape Jean Paul II, cher au coeur des Polonais, avait multiplié les dénonciations contre les exécutions capitales. Manoeuvre électorale pour la plupart des analystes, cette campagne peut enclencher un processus dangereux. «Aucun pays dans le monde n'est libre de relancer un débat sur la peine de mort, reconnaît le sénateur Piesiewicz. Si un jour l'idée devait à nouveau émerger en Europe, ça nous ramènerait cinquante ans en arrière.»