Début Calexico ouvre le PrintempsToute l'imagerie de Calexico y est : à la terrasse d'un restaurant mexicain de Tucson (Arizona), les duettistes Joey Burns (chant et guitare) et John Convertino (batterie) dévorent des nachos en sirotant des margaritas.La lumière du soir, d'un rose irréel, tombe sur la ville plantée dans le désert de Sonora. En musique de fond, des trompettes mariachis, symbole de l'identité musicale de Calexico. Il a permis à cet orchestre, méconnu sur le campus de l'université de l'Arizona, de conquérir une Vieille Europe séduite par l'exotisme tex-mex. Confidentiel chez lui, Calexico est programmé le 26 avril en ouverture du 30e Printemps de Bourges.Le charme opère depuis The Black Light, en 1998. La sombre beauté de cet album brassant country et rock californien, valse européenne et musique andine, a fait de Tucson une destination courue, pour les musiciens français essentiellement - les Little Rabbits, Yann Tiersen ou Jean-Louis Murat, qui a recruté Burns et Convertino pour son disque Mustango.Deux lieux sont devenus légendaires : le studio Wavelab, détenteur du secret du "son du désert" ; l'hôtel Congress, ouvert en 1919 et où le bandit Dillinger a été arrêté. Un établissement cinégénique avec ses peintures murales indiennes, ses gravures de cow-boys au lasso, son dancing et son juke-box crachant du Johnny Cash. Point de ralliement des musicos, le Congress s'est transformé en refuge de la jeunesse nantie - et WASP - de la ville.Contraction de Californie et de Mexique, Calexico pratique d'incessants allers-retours musicaux entre les deux rives du rio Grande en forçant, parfois, sur la tequila. "Nous avons abusé des clichés tex-mex, reconnaît Joey Burns, il fallait changer de direction avant d'en être dégoûtés." Après les expérimentations jazz de Feast of Wire, un cinquième album, Garden Ruin, surprend par ses visées délibérément "commerciales".Les chansons, cette fois, penchent nettement du côté californien en évoquant Love, Neil Young, voire Fleetwood Mac. L'atmosphère "poussière et crotales" s'estompe au profit d'une pop aguicheuse. Autrefois proche du murmure, le chant de Joey Burns s'épanouit totalement. "Nous avons été décomplexés par les groupes avec lesquels nous avons récemment tourné, avoue-t-il, essentiellement Wilco et Iron & Wine (avec lequel Calexico a enregistré le mini-album In The Reins et qui partagera l'affiche de Bourges).""Ce disque a la patine de Calexico, estime John Convertino, Il en a l'instrumentation avec du vibraphone, du violoncelle, des trompettes, de l'accordéon. Mais il part dans une direction simplifiée. Nous avons voulu retrouver l'esprit de notre premier album, Spoke, enregistré dans mon living-room."A l'époque, en 1997, le binôme constituait la section rythmique de Giant Sand, le groupe d'Howe Gelb. Inventeur de la lo-fi - pour low fidelity, art du bricolage sonore transformé en esthétique -, ce desperado qui vient de publier un étonnant album de gospel gothique,'Sno Angel Like You, est la figure tutélaire de la scène de Tucson, le premier à avoir migré en Arizona.CHAOS TECHNOLOGIQUE"Je vivais à New York et Joey à Los Angeles, se souvient John Convertino. Nous n'avions pas de contrat d'enregistrement et nous en avons trouvé tout de suite un à Tucson." "Il y a trop de groupes à Los Angeles, ajoute Joey Burns, et la définition du succès est autre. Vivre ici est bénéfique pour ma musique : il n'y a aucune pression du business et nous n'avons pas à respecter d'horaires en studio."The Black Light était inspiré par la Trilogie des confins de Cormac McCarthy, Feast of Wire par le poète de Tijuana, Luis Urrea et " Garden Ruin, par CNN", affirme Joey Burns. Si la musique est radieuse, les textes énumèrent des catastrophes écologiques et humaines. Le dernier titre, All Systems Red, s'achève dans un chaos technologique. "C'est un disque intimiste, introspectif, mais avec un gros son hi-fi", constate Joey Burns, qui se révèle en songwriter.Symboliquement, les musiciens se sont fait photographier en intérieur, chez eux, après avoir été trop souvent représentés aux côtés de saguaros (les cactus géants du désert de Sonora) ou de la Chevrolet de Burns. Au coeur du Barrio Viejo, le quartier historique de Tucson, on comprend la complicité qui lie les deux compères : un block seulement sépare leurs maisons, modestes et cousines pour leur intérieur : des murs ocre, un énorme ventilateur et l'effigie de la vierge de la Guadalupe.Signe de l'attachement de Calexico au voisin du Sud, quand l'ensoleillement exceptionnel de Tucson attire chaque année davantage de retraités en vidant le quartier de sa population mexicaine.
